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les registres de Notre-Dame de Québec contiennent les actes de mariages de personnes portant de beaux noms. Parmi plusieurs autres est celui de Gabrielle Rolland d’Assonville, fille de Pierre d’Assonville, ancien gouverneur de Nancy[1].”

« Ce qu’on appelait les filles du roi étaient, dit la sœur Bourgeois, de jeunes personnes tombées orphelines ou malheureuses en bas âge, et qui étaient élevées aux frais de l’État à l’hôpital-général de Paris. C’était de cet établissement que l’on dirigeait des envois sur le Canada ; malheureusement, ces jeunes filles étaient élevées trop délicatement[2] pour le climat et les travaux du Canada. En 1670, M. Colbert pria M. de Harlay, archévêque de Rouen, de faire choisir désormais par les curés de trente ou quarante paroisses des environs de cette ville, une ou deux filles en chaque paroisse pour les envoyer en Canada, en remplacement des anciennes filles du roi. »

« Il est facile, ajoute M. Rameau, de juger de la sollicitude que les communautés religieuses et les ecclésiastiques qui s’intéressaient au Canada apportaient au choix et à l’envoi des filles destinées à épouser les colons établis dans ce pays. Tout nous porte à croire que les prêtres des missions étrangères de Québec, les ursulines de cette ville, les jésuites et autres maisons religieuses agissaient de même de leur côté… En 1658, les ecclésiastiques de Saint-Sulpice exhortèrent et aidèrent de leur bourse bon nombre d’hommes vertueux et de filles pieuses à aller s’établir à Montréal. Il partit ainsi soixante hommes et trente-deux filles. M. l’abbé Vignal, qui partait pour Montréal, engagea deux hommes à le suivre ; M. l’abbé Souard, quatre, et M. de Queylus, qui partait aussi, en détermina vingt-trois à partir avec lui. Les trente-deux filles furent confiées à la sœur Bourgeois, qui veilla sur elles jusqu’à leur établissement. Il y avait aussi, dans le même convoi, dix-huit filles pour Québec, qui lui furent remises en garde. En 1672, la sœur Bourgeois amena de France onze filles, dont six destinées à entrer dans son ordre, et cinq autres pour les marier à Québec. En 1679, revenant encore d’un nouveau voyage, elle amena plusieurs filles pour Montréal, dont plusieurs étaient envoyées par les prêtres du séminaire de Saint-Sulpice[3]. »

Nous suivrons attentivement cette question des envois de filles, et le lecteur pourra juger si les mauvais propos de certains auteurs de lettres légères méritent créance. Plus tard, il en sera de même au sujet des criminels (hommes) que l’on nous prête si aisément… et que nous ne pouvons pas rendre parce que nous ne les avons jamais possédés.

Ici commence sérieusement le travail des religieuses ursulines dans notre pays, c’est-à-dire vers l’année 1644, après l’arrivée de plusieurs hommes non encore mariés. Inspirées d’abord, comme les jésuites, par le désir d’amener à la foi chrétienne les tribus sauvages de la Nouvelle-France, les ursulines s’étaient dévouées à la conversion des filles de ces malheureux peuples ; mais la mère de l’Incarnation comprit plus vite que les jésuites la répugnance des aborigènes à adopter nos mœurs, à se plier aux règles de l’Église,

  1. Ferland : Cours d’histoire, I, 420.
  2. L’expérience a prouvé qu’il fallait faire venir des paysannes de France et les instruire en ce pays.
  3. Rameau : La France aux colonies, II, 283.