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leur place dans cette relation, mais puisque le discours historique n’accorde pas cette liberté, ils m’excuseront si je ne le fais pas. » Le discours historique est plus libre à présent.

Les mariages faits à Montréal entre Français et Françaises, de 1647 à 1653, étaient au nombre de dix. Dès l’année 1654, on en célébra treize autres.

M. l’abbé Faillon, qui a étudié si parfaitement les origines de Villemarie, peut être consulté avec avantage sur une foule de détails intéressants. « Dès son arrivée, M. de Maisonneuve avait augmenté les bâtiments de l’hôpital ; et, afin de les garantir des insultes des Iroquois, il avait fait construire, tout auprès, deux redoutes où l’on plaça deux pièces de fonte et toutes autres munitions nécessaires en cas d’attaque. L’arrivée de cette nombreuse recrue et les travaux de défense que les colons exécutaient inspirèrent de la crainte aux Iroquois ; ce qui fut cause qu’au printemps de 1654, mademoiselle Mance quitta le fort et rentra à l’hôpital, d’où elle ne sortit plus dans la suite. De leur côté, à mesure qu’ils avaient construit des maisons pour leur usage, les colons quittaient aussi le fort et allaient les habiter. Ces maisons, en 1659, étaient au nombre d’environ quarante, toutes isolées et situées les unes en face des autres, de manière à se protéger et à se défendre naturellement, car dans chacune on avait eu soin de pratiquer des meurtrières, d’où l’on pût en assurance faire feu sur les assaillants. Ainsi transformées en autant de redoutes et habitées par des soldats armés, ces maisons devinrent un moyen et à la fois un motif des plus efficaces pour exciter ceux à qui elles appartenaient à défendre vigoureusement le pays, en défendant ainsi leurs propres foyers. Aussi rendirent-elles comme inutile le fort de Ville-Marie, dont on cessa alors de réparer les bastions, que les glaces du fleuve endommageaient fréquemment ; et il ne resta plus dans le fort que M. de Maisonneuve, la famille d’Ailleboust, le major (Closse) avec la garnison ordinaire et quelques autres personnes, parmi lesquelles la sœur Bourgeoys… La garde nécessaire à la conservation des travailleurs était un privilège réservé à soixante et trois colons que M. de Maisonneuve avait choisis pour former entre eux une confrérie militaire. Il l’avait composée de soixante et trois hommes, afin d’honorer par ce nombre celui des années que la très-sainte Vierge a passées sur la terre… on les appelait les « soldats de la très-sainte Vierge. » M. Dollier de Casson fait voir le bon résultat de ces mesures : « Nous commençâmes, dès lors, à inspirer aux Iroquois une certaine frayeur qui leur empêchait de s’avancer si avant dans nos desseins qu’ils faisaient autrefois. »

En effet, cent hommes résolus devaient inspirer du respect aux maraudeurs ; aussi voyons-nous que, dès l’automne de 1655, ce fut Montréal qui inspira aux Iroquois l’idée de « faire la paix » selon la manière de s’exprimer de ces barbares ; car ils entendaient par là une suspension d’armes plus ou moins longue. Aux Trois-Rivières, vingt hommes à peine pouvaient contribuer à la défense du poste. Québec, rarement menacé, était ouvert à tout venant. Auteur, en partie, de cet état de choses, le gouverneur-général jouissait d’une détestable réputation à Québec et aux Trois-Rivières.

« Il eût été difficile, dit M. Faillon, que M. de Lauson fût aimé à Villemarie. Nous avons vu qu’en 1653 il fit tous ses efforts pour retenir la dernière recrue et l’empêcher de se rendre