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appris les troubles et guerres de la France, j’ai ressenti dans mon âme une douleur qui m’a fait oublier toutes les croix que nous souffrons en ce bout du monde. »

Le camp volant, qui, le 7 juillet 1652, existait encore, sous les ordres de M. des Mazures, se trouva réduit à rien l’automne de la même année. M. de Lauson le réorganisa durant l’hiver qui suivit. On attendait des secours de France, surtout de la part de M. de Maisonneuve ; mais ce gentilhomme était découragé ; il écrivait, au sujet de Montréal : « Je tâcherai d’amener deux cents hommes… Si je n’en ai pas du moins cent, je ne reviendrai point, et il faudra tout abandonner, car aussi bien la place ne serait pas tenable. » Au printemps de 1653, une barque armée, envoyée à Montréal, retourna à Québec annonçant que les Français de ce lieu devaient être morts ou faits prisonniers, parce qu’on n’y voyait aucun signe de vie, et qu’on avait cru prudent de ne point s’aventurer à terre sous ces circonstances. Les pauvres colons de Montréal étaient tellement renfermés dans leur fort que la place, en effet, paraissait déserte.

Le 7 juillet (1653), le camp volant, composé de cinquante Français sous les ordres de Eustache Lambert, se mit en branle, à Sillery, pour remonter le fleuve. Ce faible secours pouvait à peine gêner quelques bandes d’Iroquois ; il était de beaucoup insuffisant pour s’opposer à une armée de cinq cents Agniers qui bloquaient les Trois-Rivières. Lorsque la nouvelle de ce péril parvint à Québec, le père Lemercier, supérieur des jésuites, courut encourager les habitants du poste et les inciter, écrit-il, à élever des fortifications ; il va même jusqu’à leur reprocher de n’avoir pas travaillé à mettre la bourgade en état de défense ; mais nous savons à qui attribuer cette faute : aux pères eux-mêmes qui, par l’acte de concession du fief Pachirini, s’étaient obligés de construire la palissade sans retard, et n’en avaient rien fait. Un homme de mérite, l’une des plus belles figures de notre histoire, se révéla dans ces circonstances redoutables. Pierre Boucher, capitaine de milice, défendit la place en l’absence de son gouverneur, Jacques Leneuf de la Poterie, alors à Québec. Après plusieurs jours d’escarmouches et d’alertes, il repoussa l’ennemi dans un combat qui donna à réfléchir aux barbares. En même temps, le père Poncet fut enlevé, un peu au dessus de Québec. Pour des raisons qui ne sont pas très bien connues, les Iroquois se décidèrent brusquement à parler de paix, et tout se régla à l’amiable. Le père Poncet fut libéré ; M. Boucher descendit à Québec, où M. de Lauson le complimenta et le nomma gouverneur des Trois-Rivières. On crut un instant que le calme était rétabli.

Au milieu du va-et-vient des ennemis, on avait constaté qu’un certain nombre de Hurons les accompagnaient et enlevaient les Français, lorsqu’ils ne les massacraient pas. Les familles fixées à l’île d’Orléans avaient eu des pourparlers avec les maraudeurs dans le dessein de quitter les environs de Québec et aller vivre avec les cinq nations. C’étaient là de tristes alliés pour les Français ; car leur attitude redoublait les dangers de la situation.

Le 9 août, malgré les troubles, les habitants firent les élections de leurs représentants. « Fut faite et déclarée, dit le Journal des Jésuites, la nomination de M. d’Ailleboust au syndicat ; Thomas Hayot, adjoint du Cap-Rouge, y compris Sillery ; M. de Tilly, adjoint de la