Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome III, 1882.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
histoire des canadiens-français

vois bien que j’ai manqué ; plut à Dieu que vous y fussiez passé il y a longtemps et y faire votre charge de curé ; l’on vous y désire pour le repos des consciences. »

« Les pères Zacharie Moreau et Paul Huet lui déclarèrent et le prièrent de rendre témoignage à ces messieurs, que quand ils nous permettraient de retourner en Canada, nous ne prétendrions pas y exercer les fonctions curiales, pour ne point faire de jalousie à personne, à moins que les révérends pères jésuites ne nous rendissent les mêmes honnêtetés que nos anciens pères leur avaient faites en 1625, lorsque le père Joseph Le Caron, supérieur, leur permit et même les pria, pour entretenir l’amitié, d’exercer avec nous, à l’alternative, les fonctions curiales à Québec ; qu’au reste, nous nous contenterions d’y exercer notre ministère comme en France et partout ailleurs pour le soulagement des consciences et de concert avec les révérends pères jésuites.

« On rendit pareillement visite à monsieur de Lauzon, intendant de la compagnie, lequel, à son ordinaire, parut décider en notre faveur. On lui présenta même les cautions de notre syndic et autres pour le certifier que nous ne serions pas à charge au pays ni à la colonie, avec un projet de la requête, qu’il approuva. Il demanda combien nous désirions faire passer de religieux ; on lui répondit qu’il en passerait trois : deux prêtres et un frère, pour aller reconnaître les lieux. Il ordonna, enfin, de lui remettre la requête quand elle serait en état, et qu’il nous répondait de notre affaire.

« En effet, nos pères étaient assez bons pour ne pas douter du succès. Ils prirent même toutes les mesures avec les députés du Canada. On prépara les religieux à l’embarquement. Enfin, la requête fut portée à monsieur de Lauzon, le 15, signée : le père Raphaël Le Gault, provincial, Vincent Paladuc, definiteur, Placide Gallemand, gardien de Paris, au nom de toute la province, accompagnée d’un manifeste contenant le détail de nos raisons et notre droit.

« L’assemblée, qui se tenait le 16 du dit mois de janvier, dans la maison même de M. de Lauzon, se commença, poursuivit et finit sans que mon dit sieur de Lauzon produisit notre requête, jusqu’à ce que l’assemblée fût rompue, et messieurs ayant levé le siège pour sortir, monsieur Clarantin dit à monsieur de Lauzon : « Vous ne parlez pas de la requête des pauvres pères récollets… » Messieurs reprirent leur place. Le dit sieur de Lauzon fit lecture d’une partie de la requête, qu’il interrompit pour faire une harangue toute contraire à nos intérêts. Enfin, la décision fut prononcée qu’attendu que la compagnie avait remis la traite entre les mains des habitants, et qu’ainsi ils (la compagnie) n’envoyaient point de vaisseaux en Canada, il remettait notre affaire à la disposition des habitants, et qu’au cas qu’ils n’y trouvassent point de difficultés, il nous permettait d’y passer. C’est ainsi que trois de ces messieurs et de nos intimes amis, nous en firent le rapport, et ils nous avertirent de nous défier du sieur de Lauzon parce qu’il n’avait pas voulu que le résultat fût écrit à l’instant sur le livre de la compagnie, ni au bas de la requête.

« Suivant cette décision, nous avions sujet de croire notre affaire assurée puisque quatre habitants du Canada, qui étaient députés en France, les trois ci-dessus nommés nous demandaient absolument des récollets et que nous étions certains de leur fermeté ; mais nous fûmes