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Belleborne… il se trouvait sur une terre concédée aux sieurs Jean Nicolet et Olivier Le Tardif[1]. » L’automne de 1646, un nouveau four avait été construit, et, durant l’hiver, on installa le bâtiment et les appareils d’une brasserie, laquelle donna de la bière au mois de mars 1647. Une brasserie existait déjà à Québec, une autre aux Trois-Rivières et une troisième à Montréal. Le peuple du nord de la France consomme de la bière et du cidre ; c’est pourquoi les premiers Canadiens, nés la plupart dans cette région, amenèrent des brasseurs avec eux, sans s’occuper des buveurs de vin, qui ne parurent dans le Canada que plus tard, avec les classes militaires, civiles et religieuses. L’année 1649, dit le Journal des Jésuites, « on commença la muraille de Sillery sur les deniers de la communauté, c’est-à-dire les dix-neuf mille francs affectés par le roi pour les affaires du pays. » Plus tard (13 mars 1651), la compagnie de la Nouvelle-France accorda le titre qui suit : « Notre désir étant de rassembler les peuples errants en certains endroits, afin qu’ils y soient instruits en la foi et en la religion chrétienne, et ayant reconnu que quelques-uns d’entre eux avaient choisi, depuis quelques années, un lieu appelé en leur langue Kamiskda d’Angachit, vulgairement appelé des Français Sillery ou l’anse de Saint-Joseph ; considérant, en outre, que les pères jésuites, reconnaissant que le lieu était agréable aux sauvages, ils leur avaient fait bâtir une église en laquelle ils administrent les sacrements à ceux qu’ils ont baptisés en ces quartiers-là ; voulant favoriser un si grand ouvrage et retenir ces bons néophytes proche de leur église, nous leur donnons l’étendue d’une lieue de terre, depuis le cap qui termine le cap de Saint-Joseph, en montant sur le grand fleuve Saint-Laurent, sur quatre lieues de profondeur — le tout sous la conduite et direction des pères jésuites, sans toutefois déroger aux concessions de quelques portions de terre que nous avons faites par ci-devant à quelques particuliers français, dedans cette étendue — lesquels relèveront du capitaine chrétien des sauvages, comme ils relevaient de nous avant cette donation que nous faisons pleine et entière, avec tous les droits seigneuriaux que nous avons, sauf et réserve la justice que nous nous réservons à faire exercer par nos officiers[2] à Québec, leur cédant tous les autres droits qu’un seigneur peut jouir… (Signé) A. Cheffault, secrétaire de la compagnie[3]. » Le chef sauvage de Sillery se trouvait donc seigneur comme M. Giffard et autres. En 1657, la résidence des jésuites, la maison d’un sauvage et l’église furent consumées par un incendie. La bourgade sauvage était réduite à l’abandon, vers 1688, par suite de l’épuisement des terres et la destruction des bois de chauffage : les jésuites avaient acheté ailleurs des propriétés pour y continuer leurs missions et empêcher les néophytes de retourner à la vie nomade. En conséquence, le 23 octobre 1699, M. de Callière donna « en propre aux révérends pères les fief, terre et seigneurie de Sillery, d’une lieue de large sur le fleuve Saint-Laurent et d’une lieue et demie ou environ de profondeur, jusqu’à la seigneurie de Saint-Gabriel qui la termine par derrière, commençant du côté du nord-est à la pointe de Puisseaux, et d’un côté, au sud-ouest, à une ligne qui la

  1. Beaux-frères. Nicolet était décédé.
  2. Dans cette pièce, il est fait mention, pour la première fois, d’un grand sénéchal du Canada.
  3. Titres seigneuriaux, pp. 50-52.