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naturel belliqueux et féroce des sauvages qui nous environnent nous a obligé à réunir un si nombreux personnel… Nous avons onze missions : huit chez les Hurons, trois chez les Algonquins ; autant de pères, choisis parmi les plus anciens, se partagent le travail. Quatre autres apprennent la langue ; ce sont ceux qu’on nous a envoyés l’année dernière ; nous les avons donnés comme compagnons à ceux des missionnaires dont le travail est plus étendu. Trois pères seulement restent à la maison : le préfet des choses spirituelles, le procureur, qui est en même temps ministre, et un autre père chargé de prendre soin des chrétiens qui arrivent de tous côtés à la résidence. Vous saurez, en effet, que, malgré notre pauvreté, nous venons en aide à nos sauvages ; c’est nous qui soignons leurs maladies, non-seulement celles de l’âme, mais aussi celles du corps. Et je puis le dire, c’est un grand avantage pour notre religion. L’année dernière, nous avons ainsi donné l’hospitalité à plus de six mille hommes. N’est-ce pas là tirer le miel de la pierre et l’huile du rocher, que nous, au milieu d’une terre étrangère et d’une solitude affreuse, nous ayions pu non-seulement fournir à nos besoins, mais encore à ceux d’une multitude nécessiteuse ? »

Le 15 mars (1649), eut lieu le plus terrible de ces massacres dont les annales du temps nous fournissent les détails. Mille Iroquois, la plupart armés d’arquebuses achetées des Hollandais, attaquèrent la mission de Saint-Ignace, et s’en emparèrent sans perdre eux-mêmes plus de dix hommes. Ils livrèrent ensuite aux flammes le bourg de Saint-Louis, et firent périr dans les supplices les pères de Brebeuf et Gabriel Lalemant. Les scènes horribles qui marquèrent la prise de ces villages sont les premières qui se présentent à la pensée de ceux qui ont lu l’histoire du Canada. Les noms de Brebeuf, Lalemant, Daniel sont entourés d’une auréole de grandeur que le temps ne saurait diminuer. Tous nos écrivains leur ont payé un tribut d’hommage.

Les Hurons de quinze autres bourgades abandonnèrent leurs cabanes après le 15 mars (1649), y mirent le feu et se dispersèrent au loin. Les jésuites se décidèrent, le 15 mai, à incendier la résidence de Sainte-Marie, leur principal poste, et se retirèrent, avec trois cents familles, dans l’île Saint-Joseph, où les Iroquois les assaillirent de nouveau, le 25 mars 1650, et en firent une boucherie générale, comme ils avaient déjà fait de plusieurs autres détachements de fugitifs hurons, dans le voisinage des grands lacs.

Dès le printemps de 1649, les Iroquois exerçaient leurs ravages par tout le Haut-Canada, et pénétraient aux sources du Saint-Maurice, où ils commettaient des massacres continuels. Leur puissance ne fit que s’accroître à partir de ce moment. Au mois de septembre (1649), les Hurons, les Nipissiriniens, les Algonquins, les Attikamègues, chassés par la terreur, demandèrent asile aux Trois-Rivières et à Québec. L’hiver se passa dans des transes dont il est facile de se faire une idée.

Le 13 mars 1650, le père Ragueneau écrivait du pays des Hurons : « Nous sommes encore treize pères dans cette mission, avec quatre frères coadjuteurs, vingt-deux domestiques qui ne nous quittent jamais, et onze autres, gagés, pour un temps plus ou moins considérable ; six soldats et quatre enfants : en tout soixante personnes… Pour toute nourriture,