Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome III, 1882.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
histoire des canadiens-français

presque extinction des Hurons en 1648 et 1649, et réduisit le nombre des autres tribus au point que la confédération des cinq cantons iroquois, la plus puissante organisation aborigène connue, ne comptait, en 1665 et 1677, malgré l’annexion des restes d’autres peuplades, que quelques milliers d’âmes[1]. » De dix à douze mille âmes, disent les documents.

Vers 1648, bon nombre de Hurons, défaits par les Iroquois, s’étaient alliés à ceux-ci et grossissaient les bandes qui couraient sus aux Français comme à leurs propres compatriotes. Ces gens adoptés rendaient la situation des Canadiens plus difficile ; car, bien souvent, au moment d’en venir aux mains avec l’ennemi, les Hurons reconnaissaient leurs parents dans le camp opposé, allaient les visiter, dévoilaient le secret du parti avec lequel ils marchaient, et refusaient de combattre. « Ils viennent à Montréal (1648) et font mille trahisons, » dit un auteur. Nous avons raconté, dans un autre ouvrage, la conduite qu’ils tinrent aux Trois-Rivières, en tout semblable à ces tristes exemples.

En 1646, il y avait quinze pères jésuites aux Hurons, desservant sept petites églises, dont six dans les bourgades huronnes et la septième parmi les Algonquins de ces contrées. En 1648, M. d’Ailleboust y envoya soixante Français et des munitions de guerre, secours insuffisant, néanmoins, puisqu’il ne recula point le désastre imminent, et ajouta au nombre des victimes des Iroquois. Ces derniers parurent le 4 juillet (1648) à la mission de Saint-Joseph, composée de quatre cents familles, tuèrent le père Daniel et massacrèrent ou amenèrent prisonniers sept cents individus, après avoir brûlé le village et commis des cruautés dont le seul récit fait frémir. Vers l’automne, les débris de la peuplade huronne trouvèrent un refuge aux Trois-Rivières et semèrent la consternation sur les bords du Saint-Laurent. Les Hurons s’étaient bien défendus, mais le coup moral fut encore plus sensible que la calamité qu’ils venaient de subir ; le découragement gagna les Algonquins de l’Ottawa ; presque toutes les familles se replièrent dans le territoire compris entre cette rivière, le Saint-Maurice et les bords du fleuve.

Les lignes qui suivent, écrites par La Hontan, trente-cinq ans plus tard, exposent la manière de combattre des Iroquois : « Ils luttent dans une forêt avec des armes à feu ; car ils tirent fort adroitement, outre qu’ils savent très bien ménager leur avantage, se couvrant des arbres, derrière lesquels ils tiennent ferme sans lâcher le pied, après avoir fait leur décharge, quoique leurs ennemis soient quelquefois doublement supérieurs. Mais comme ils sont plus grands et moins agiles que les méridionaux, ils sont moins propres à manier la massue, et, à cause de cela, ils sont presque toujours défaits en pleine campagne, où l’on se bat avec cet instrument, ce qui fait qu’ils évitent les prairies autant qu’il leur est possible. »

Le père Ragueneau écrivait du pays des Hurons, le 1er mars 1649 : « Nous sommes ici dix-huit pères. Nous avons avec nous quatre coadjuteurs, vingt-trois domestiques qui ne nous quittent jamais, et sept autres dont le temps de service n’est point déterminé ; ces derniers seuls reçoivent des gages ; de plus, nous avons quatre enfants et huit soldats. Le

  1. J.-C. Taché : Recensement de 1870, tome IV, p. lv.