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patrouille de soldats dans le lac Saint-Pierre ; M. de Montmagny se plaça à la tête d’une seconde escouade, pour le même objet, quelques jours plus tard. Un appel venait d’être fait — non pas aux Cent-Associés, car ils affectaient d’être sourds sur le chapitre de la dépense, mais à la reine régente, Anne d’Autriche — pour qu’on augmentât la force armée du Saint-Laurent. Depuis trois ans, la petite population canadienne s’était mesurée plusieurs fois contre les Iroquois, et l’on peut affirmer que, à partir de cette époque, le mot colon signifie également soldat ou milicien.

Après l’enlèvement du père Jogues (1642), les Français s’étaient décidés à fournir des arquebuses à quelques Hurons bien notés. Le premier usage que ces derniers firent de leurs armes, en chassant le long de la route, attira les Iroquois, qui les battirent et enlevèrent le père Bressani, leur compagnon (1644). Le danger des embuscades était continuel. « À Montréal, dit le Journal des Jésuites, les Français ne marchaient jamais qu’armés et sur la défiance ; ils allaient toujours au travail et en revenaient tous ensemble, au temps marqué par le son de la cloche. » Même chose aux Trois-Rivières. Si ce n’est pas là le métier du milicien, cela lui ressemble beaucoup.

La reine, voyant l’inertie des Cent-Associés, accorda cent mille francs pour l’entretien d’une compagnie de soixante soldats levée en France, et dont le commandement fut confié à un nommé De La Barre, « qui n’avait rien de saint que son chapelet. » Elle lui donna, en même temps, deux petites pièces de fonte qui étaient depuis longtemps dans les rues de la Rochelle, et que, selon toutes les apparences, M. de la Dauversière y avait remarquées. Les soldats devaient être distribués dans les différents postes du pays. Ils arrivèrent en 1644. Les cent mille francs paraissent avoir été confiés au baron de Renty, qui fut pendant quelque temps directeur de la compagnie de Montréal. Au mois d’août (1644), le gouverneur-général se fit accompagner d’une partie de ces soldats à l’assemblée des Trois-Rivières, et, lorsque les missionnaires partirent pour les « pays d’en haut, » vingt-deux de ces hommes leur servirent d’escorte ; ceux-ci revinrent, l’automne de 1645, rapportant pour leur compte la valeur de trente à quarante mille francs de peaux de castors. Le Journal des Jésuites explique comment fut distribuée cette pelleterie, et aussi le mode de casernement de la troupe. La Barre, qui s’était trop promené avec les femmes sauvages, dut repasser en France.

L’automne de 1645, on ne laissa au fort Richelieu que huit ou dix soldats, sous les ordres du capitaine Jacques Babelin dit Lacrapaudière.

Martin Duclos, soldat, était aux Trois-Rivières en 1644 et 1645.

À Québec, les soldats de la garnison tirèrent trois salves, le soir de la fête de saint Joseph (1646). Le 18 juin, Denise Sevestre épousa Antoine Martin dit Montpellier, soldat et cordonnier ; aux noces, cinq soldats dansèrent « une espèce de ballet ». Le jour de la Conception, un soldat, nommé de Champigny, natif de Fontainebleau, fit abjuration du calvinisme, avant la grand’messe ; comme il savait la musique « et pouvait chanter un dessus, nous commençâmes, le jour de saint Thomas, à chanter à quatre parties. » Aux Trois-Rivières,