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On observe que le cas avait été prévu où il n’y aurait pas d’ancien gouverneur dans le pays, et alors le cinquième conseiller devait être choisi par le conseil parmi les habitants. Cette concession était d’accord avec le choix de M. d’Ailleboust comme gouverneur-général ; en effet, un Canadien appelé à ce haut poste aplanissait nombre de difficultés. Malheureusement, trois ans plus tard, on nous envoya M. de Lauson, qui représentait un ordre d’idées plutôt adverse que favorable aux colons.

Parmi ceux qui avaient contribué à cette transformation de gouvernement figurait M. Pierre Le Gardeur de Repentigny. Il est étrange que le règlement (1648) nouveau lui ait paru défectueux. L’opposition qu’il fit au projet alla si loin que le conseil du roi nomma M. d’Ailleboust à la conduite de la flotte pour le voyage de ce printemps entre la France et le Canada, sans toutefois priver M. de Repentigny, pour l’avenir, de cette charge qu’il remplissait avec conscience et habileté. « Vous le prendriez pour un courtisan, écrivait en 1644 la mère de l’Incarnation ; mais sachez que c’est un homme de grande oraison et d’une vertu bien épurée. Sa maison, qui est proche de la nôtre, est réglée comme une maison religieuse… C’est de lui que nous prenons conseil en la plupart de nos affaires. »

Les vaisseaux mirent à la voile ; mais M. de Repentigny, probablement accablé par sa disgrâce, mourut en mer. Son frère, Charles Le Gardeur de Tilly ; le père Vimont ; M. Vignal, chapelain des ursulines ; Jean-Paul Godefroy, M. d’Ailleboust et un chirurgien du nom de Bélanger, porteur des dépêches du ministre, arrivèrent à Québec vers le milieu d’août. Trois religieuses hospitalières — les mères Anne de l’Assomption, de Dieppe ; Jeanne Thomas de Sainte-Agnès, de Vienne, et la sœur Catherine Simon Long-Pré de Saint-Augustin, de la maison de Bayeux — étaient aussi du voyage.

Les élections eurent lieu au mois de septembre. Aux Trois-Rivières, Michel Leneuf du Hérisson fut élu par treize voix contre huit[1]. Les autres membres étaient, paraît-il, François de Chavigny, Robert Giffard et Jean-Paul Godefroy. Aux termes du règlement, il fallait trois syndics, deux conseillers du pays et un autre conseiller à la place d’un ancien gouverneur manquant. L’élément montréalais fait ici défaut.

M. de Montmagny emportait les regrets de tout le pays. Il s’embarqua à Québec, le 23 septembre, sur le navire que montait Jean-Paul Godefroy, amiral de la flotte, et, après avoir passé trois ou quatre années à Paris, il alla mourir, dit-on, à Saint-Christophe, chez son parent, le commandeur de Poinci, ancien gouverneur-général des îles de l’Amérique, démis pour avoir voulu conserver sa charge malgré les ordres du conseil du roi ; ce qui avait motivé aussi la retraite de M. de Montmagny du Canada, parce que l’on craignait que cet exemple ne fût contagieux.

Une période de l’histoire du Canada se termine au départ de M. de Montmagny. C’est la cinquième.

La première date de Cartier (1534) et s’arrête à la fondation de Québec (1608). Elle est nulle au point de vue de l’établissement de la colonie.

  1. Nous avons publié dans l’Album de l’histoire des Trois-Rivières le curieux document qui fait foi de cette élection.