faire sans secours ? Sa longue administration tirait à sa fin. Il avait été décidé de ne plus garder les gouverneurs de colonies dans leur poste au delà de trois ans. La charge de gouverneur-général était offerte à M. de Maisonneuve ; mais c’était un homme dépouillé de toute ambition personnelle, et qui désirait se consacrer uniquement à sa colonie de Montréal ; aussi proposa-t-il M. Louis d’Ailleboust, qui fut accepté. Aussitôt revenu de France à Québec, l’automne de 1647, il avertit M. d’Ailleboust, lequel prit la mer à son tour, le 18 octobre, en compagnie de M. Noël Juchereau des Chastelets, tous deux délégués par les habitants pour obtenir la réduction du traitement du gouverneur-général de vingt-cinq mille à dix mille francs, et autres changements qui furent approuvés par un arrêt du 5 mars 1648. Des Chastelets mourut en France, laissant bien des regrets dans la colonie. Il n’était pas marié, mais s’était constitué le protecteur de Jean sieur de la Ferté, et Nicolas sieur de Saint-Denis, fils de son frère, auxquels il donna les terres qui lui avaient été accordées près de Québec.
La décision royale dont il vient d’être fait mention portait que le conseil de la colonie serait composé du gouverneur-général, du supérieur ecclésiastique, du dernier gouverneur-général, de deux habitants élus de trois ans en trois ans par les gens du pays, des syndics de Québec, Trois-Rivières et Montréal, et des gouverneurs de Montréal et des Trois-Rivières lorsqu’ils se trouveraient à Québec. Les appointements du gouverneur-général étaient réduits à dix mille francs, les soixante et dix tonneaux de fret à douze, la garnison à douze soldats ; les gouverneurs de Montréal et des Trois-Rivières recevraient trois mille francs, et auraient droit à six tonneaux de fret et à six soldats pour leur garnison. Les dix-neuf mille francs ainsi épargnés devaient être employés à former, sans délai, un camp volant de quarante soldats tirés des garnisons déjà existantes, si l’on y trouvait ce nombre d’hommes disponibles ; à leur défaut, on en lèverait le plus tôt que l’on pourrait. Le camp garderait les passages par eau et par terre ; l’hiver, il serait réparti dans les garnisons et irait battre le pays. On ferait passer aux Hurons, chaque année, une compagnie composée des habitants qui auraient le désir d’y aller à leurs frais, pour servir d’escorte. Ces volontaires auraient la permission de faire le négoce durant le voyage, à condition de vendre les pelleteries au magasin de la compagnie. De plus, et ceci est le point le plus important, les ministres ou secrétaires d’État, par un autre arrêt du 3 mai (1648), abandonnaient toute ingérence dans l’exécution du règlement ; les parlements de Rouen et de Paris étaient notifiés que le conseil du roi pourrait seul connaître des litiges qui se produiraient au Canada. La colonie ferait ses lois locales, régenterait son commerce, déciderait de la paix ou de la guerre avec les nations sauvages, jugerait les différends entre les particuliers, et ferait sa propre police ; c’était là des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires équivalant presque à l’indépendance. Il y manquait les institutions municipales. Si les Cent-Associés n’eussent pas maintenu leur crampon sur nous ; si les favoris des grands n’eussent pas, par la suite, introduit de leurs créatures dans cette organisation si rationnelle, et si Louis XIV n’eût point défendu les assemblées des habitants, le Canada prenait un élan qui l’eût conservé à la France.