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d’orignal, etc… Le 24 octobre 1645, partirent les vaisseaux, cinq en nombre, chargés à ce que l’on tient de vingt mille livres de castor pesant, pour les habitants, et dix mille livres pour la Compagnie générale, à une pistole ou dix ou onze francs la livre » (Journal des Jésuites).

Les habitants étaient en butte aux tracasseries de ceux qu’ils avaient pour ainsi dire supplantés. C’est l’histoire de tous les temps. Ils avaient aussi contre eux le singulier préjugé européen qui taxe d’incapacité les populations des colonies ; mais, dans le cas qui nous occupe, les Canadiens pouvaient se reposer sur de vigoureux champions, capables de faire triompher la juste cause qui les ramenait aux pieds du trône. Par malheur, la discorde s’était mise quelque peu dans le camp, au Canada, et des réformes devenaient nécessaires pour la bonne administration du pays. Les pouvoirs accordés au gouverneur-général, par sa commission en date du 6 juin 1645, se lisent comme suit : « Nous vous avons commis, ordonné et établi, commettons, ordonnons et établissons gouverneur et notre lieutenant-général, représentant notre personne à Québec et dans les provinces arrosées du fleuve Saint-Laurent et des autres rivières qui se déchargent en icelui, et lieux qui en dépendent en la Nouvelle-France, pour commander à tous les gens de guerre qui seront au dit pays, tant pour la garde des dits lieux que pour maintenir et conserver ce négoce, prendre soin de la colonie du dit pays, conservation et sûreté d’icelui sous notre obéissance, avec pouvoir d’établir sous vous tels lieutenans pour le fait des armes que bon vous semblera ; comme aussi, par forme de provision et jusqu’à ce qu’il y ait des juges souverains établis sur les lieux pour l’administration de la justice, vous donnons pouvoir, et aux lieutenans qui seront par vous établis, de juger souverainement et en dernier ressort, avec les chefs et officiers de la Nouvelle-France qui se trouveront près d’eux, tant les soldats qu’autres habitans des dits lieux ; tenir la main à l’exécution des dits arrêts et règlemens du conseil, faits pour l’établissement et conduite de la compagnie de la Nouvelle-France, et des accords faits entre la dite compagnie et les habitans des dits lieux ; et jouir par vous, durant les dites trois années à commencer du jour et date des présentes, de la dite charge, aux honneurs, autorités, prééminences, privilèges, droits, profits et émolumens qui y sont attribués[1]. »

C’était le gouvernement du « bon père de famille ».

Pour remédier aux abus qui commençaient à se commettre dans le cercle ou groupe de directeurs de la compagnie des Habitants, le conseil du roi passa, le 27 mars 1647, un règlement qui était une espèce de charte constitutionnelle octroyant certaines libertés aux colons. Le gouverneur en chef, le supérieur des jésuites et le gouverneur de Montréal composaient un bureau qui devait nommer l’amiral de la flotte, les capitaines et autres officiers de vaisseaux, ainsi que les commis et contrôleurs de la traite, tant en France qu’au Canada. Le commandant de la flotte et les syndics de Québec, des Trois-Rivières et de Montréal avaient entrée et séance à ce conseil, avec voix délibérative, pour y représenter seulement ce qui

  1. Édits et Ordonnances, III, 15.