Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome III, 1882.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
histoire des canadiens-français

que les jésuites[1], persuadés que la présence d’un supérieur ecclésiastique, revêtu d’un caractère capable d’imposer, était devenue nécessaire dans la colonie, pour remédier à certains désordres[2] qui commençaient à s’y introduire, avaient demandé à la cour qu’on y envoyât un évêque. La reine-mère, Anne d’Autriche, fut d’avis que, pour remplir cette place, on choisît l’un des anciens missionnaires, et jeta même, dit-on, les yeux sur le père Paul Le Jeune, qui avait gouverné la mission pendant plusieurs années, et qui était alors à Paris, fort occupé de la direction des âmes, et dans une grande estime de sainteté et de prudence ; mais les jésuites représentèrent que leur institut ne leur permettait[3] pas d’accepter cette dignité, et lui proposèrent l’abbé de Montigny, qui fut agréé… Le père Jérôme Lalemant, qui n’était point repassé en Amérique depuis qu’il était venu en France (1656) pour y représenter à la compagnie du Canada les besoins de ce pays, gouvernait alors le collège de la Flèche ; le nouveau prélat le demanda à son général, comme un homme qui lui était nécessaire, et ce religieux voulut bien consacrer le reste de ses jours à la conversion des sauvages, sous les ordres d’un évêque digne de la primitive église. Quelques ecclésiastiques firent aussi le voyage avec Mgr  de Pétrée ; d’autres le vinrent joindre les années suivantes, et, à mesure qu’ils arrivèrent, on les mit en possession des cures, dont jusque-là les jésuites avaient été chargés parce qu’ils étaient les seuls prêtres dans la Nouvelle-France. »

Monseigneur de Laval, comme il est appelé le plus souvent, fut sacré à Paris évêque de Pétrée in partibus infidelium, et arriva à Québec le 16 juin 1659.

« Le 3 août 1659, dit le Journal des Jésuites, fut représentée dans notre chapelle de Québec l’action en l’honneur de M. l’évêque de Pétrée. Tout alla bien. » En marge est écrit : « Pièce pour la réception de Mgr  de Pétrée. »

« Le 7 août, arriva le bac de Montréal, qui nous donna M. l’abbé de Queylus. Il alla loger au fort. »

« Le 28 août, M. l’évêque dit pontificalement la messe à l’hôpital, où prêcha M. l’abbé de Queylus, le jour de saint Augustin. »

« Le 7 septembre. Il y eut en ce temps grande contestation pour la situation des bancs de M. l’évêque et de M. le gouverneur (d’Argenson). M. d’Ailleboust s’en entremit, et la chose fut accordée que le banc de M. l’évêque serait dans les balustres et celui de M. le gouverneur hors des balustres au milieu. »

« Le 8 septembre 1659, M. l’abbé de Queylus, étant sur le point de s’embarquer pour s’en retourner en France, changea de dessein à l’arrivée du vaisseau, sur les lettres qu’il reçut ; et lui qui avait protesté que quelque lettre et pouvoir qui lui serait envoyé il ne l’accepterait pas, et qui avait protesté toute amitié avec M. de Pétrée, se voyant nanti des pouvoirs de M. de Rouen et de la lettre du roi du 11 de mai, leva le masque et voulut se faire

  1. Avant les jésuites, la société de Montréal avait demandé (et obtenu) un évêque. Charlevoix, ici comme ailleurs, est jésuite, de la même manière que M. Josse était orfèvre.
  2. Principalement la traite de l’eau-de-vie.
  3. En 1651, les jésuites avaient fait demander à Rome de nommer évêque l’un d’entre eux. Il faut croire que, en 1658, ne voyant pas chance d’être mieux accueillis qu’en 1651, ils préférèrent s’effacer un peu.