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histoire des canadiens-Français

Tandis que M. de Queylus agissait comme grand-vicaire au Canada, on lui enlevait ses pouvoirs à Paris, en les conférant aux pères jésuites. « Le 8 août 1658, dit le Journal, nous fîmes signifier notre patente de grand-vicaire à M. l’abbé. » De son côté, M. Dollier de Casson écrit : « L’arrivée des vaisseaux de France nous apporta nouvelle que le tonnerre qui avait menacé, l’an dernier, nos quatre missionnaires, avait fait grand bruit en plusieurs endroits du royaume, ce qui fit que M. l’abbé de Quélus quitta Québec pour venir consoler le Montréal de sa présence ; il y vint demeurer au grand contentement de tout le monde, mais surtout de messieurs Souart et Gallinier, qui ne craignirent pas de s’avancer bien loin dans les bois, sans crainte des ennemis, afin d’aller au devant de sa barque, pour lui témoigner la joie qu’ils avaient de son retour. »

Le Journal dit : « Le 21 août 1658, partit de Québec M. l’abbé de Queylus pour Montréal, avec M. d’Ailleboust et sa femme, en compagnie de soixante personnes, dans trois chaloupes. »

Une décision de la plus haute importance pour le Canada venait d’être prise à Paris et à Rome. Un évêque était nommé.

Les jansénistes, voulant infirmer la doctrine religieuse prêchée par les jésuites, avaient poussé Pascal à tronquer des textes qu’il sema à profusion dans ses Provinciales. En moins de dix mois (1657), ce scandale fit fureur. Mais la réaction ne tarda point, et les jansénistes, dévoilés dans leurs manœuvres, tombèrent pour ne plus se relever. La doctrine des jésuites est inattaquable. Rome l’a toujours reconnue. Des papes et des rois ont, il est vrai, expulsé les jésuites ; mais c’est à cause de l’esprit de domination qui règne dans ce corps puissant par la science et la discipline. Nous-mêmes au Canada, nous ne les redoutons que pour un semblable motif. Si on les laissait faire, ils absorberaient l’État. Or, l’État, c’est nous.

Les historiens disent que les jésuites recommandèrent au roi[1] M. François de Laval, abbé de Montigny, lequel fut accepté et son nom présenté au pape Alexandre VII. Le pape, dit-on encore, parut surpris de l’autorité que l’archévêque de Rouen s’arrogeait sur le Canada. Comme c’était la première fois que l’affaire était portée à Rome, nous aimons mieux croire que la prétention de l’archévêque fut simplement écartée. Le pape avait table rase. Il lui fallait créer un diocèse. Jusqu’à ce moment, l’archévêque de Rouen n’avait fait que suivre le sens commun en répondant aux désirs de ses nombreux administrés répandus dans la colonie. Quoi qu’il en soit, M. l’abbé de Montigny fut nommé vicaire apostolique, en attendant que l’on jugeât à propos de nous donner un évêque. Il est à regretter que Rouen n’ait pas obéi de suite à ces ordres du Saint-Siège. C’est encore, malheureusement, ce qui se pratique de nos jours, où l’on voit des résistances et des discussions soulevées par des gens dont le premier devoir est de s’en rapporter à la sagesse de Rome.

Parlant de l’arrivée de Mgr de Laval, Charlevoix dit : « Il y avait déjà quelques années

  1. Pour être exact, il faudrait dire Anne d’Autriche et Mazarin, puisque Louis XIV ne commença à s’occuper du gouvernement qu’en 1661.