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milieu de ces pourparlers, chaque jour apportait la nouvelle de quelque meurtre commis sur des sauvages des environs de Québec ou des colons isolés. Les orateurs iroquois excusaient leurs gens en les qualifiant de « folles jeunesses », et reprenaient leurs harangues insolentes. M. de Lauson endurait tout. Enfin, la plupart des Hurons partirent (juillet 1657) avec les délégués ; d’autres furent massacrés sous les yeux des missionnaires qui les conduisaient — présage de ce qui se préparait dans les cantons. Les Iroquois triomphaient en tous sens.

M. d’Argenson était vainement attendu. Au mois d’août, on apprit qu’il ne viendrait pas cette année. M. de Lauson, impatient de quitter le fardeau des affaires publiques, confia la direction du pays à M. Louis d’Ailleboust, et s’embarqua pour la France le 18 septembre. Veuf depuis le mois d’octobre 1656, il avait une enfant, Marie, qui fut plus tard religieuse hospitalière à la Rochelle, mais qu’il laissa à Québec en cette circonstance (1657). Quant à lui, ordonné prêtre en France, il revint au Canada (1659) avec Mgr de Pétrée comme premier official de ce prélat, tout en conservant sa charge de maître des eaux et forêts et la jouissance de sa seigneurie de Charny, dans l’île d’Orléans.

Quelques citations du Journal des Jésuites vont nous éclairer sur l’attitude de certains religieux. Le 12 septembre (1657), arrivèrent à Québec, venant de Montréal, le père Poncet, l’abbé de Queylus et M. d’Ailleboust. « Le dit sieur abbé prit la charge de la cure. »

« Le 2 octobre, j’allai voir M. l’abbé, pour lui témoigner le désir de la paix… Il me rendit une visite pour le même sujet… »

« Le 21 octobre, jour de dimanche, M. l’abbé faisant son prône, dit : « Messieurs, devant que de vous dire un mot touchant l’Évangile, je vous donnerai un avis. Il y a des personnes qui viennent à l’église non pour s’appliquer ce qu’ils entendent, mais pour le contrôler et expliquer mes intentions. Il vaudrait mieux qu’ils demeurassent à la maison et qu’ils fussent couchés avec une bonne fièvre quarte. » Puis il commença l’explication de l’Évangile, qui est Cujus est imago, où les pharisiens tâchent de surprendre Notre-Seigneur en ses paroles. Il les fait ainsi parler : « Qui est donc ce Jésus nouvellement venu, qui se fait aimer de la populace, qui nous veut discréditer ? Il y a trente et quarante ans que nous gouvernons l’état et la religion. Nous avons (sommes) accoutumés à commander, etc. Ne voulant pas lui parler eux-mêmes, ils lui envoyèrent un faiseur de compliments. »

« J’appris (22 octobre) que trois lettres, l’une du père supérieur, l’autre du père Mercier, et la troisième du père Pijart, toutes trois à M. Lambert Closse, qui les reçut en chemin de Montréal à Québec, tombèrent entre les mains de madame d’Ailleboust par un accident, après que le dit sieur Lambert les eut lues et qu’il les eut mis sur la table au fort de Québec étant allé visiter monsieur le gouverneur et madame la gouvernante, qui s’en saisit puis les montra à monsieur le gouverneur et à monsieur l’abbé, qui en fut fort piqué, parce que, dans les deux dernières, il y avait des mots piquants contre lui ; entre autres en celle du père Pijart il y avait que le dit sieur était violent et nous faisait une guerre plus fâcheuse que celle des Iroquois. »