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depuis que les Français étaient rentrés (1632) en possession de ce pays. Aussi, M. de Queylus, qui reçut ces lettres à Nantes, prit dès lors la résolution de n’en point user à Québec, et de restreindre ses pouvoirs à l’île de Montréal. »

Une petite note empruntée au Journal des Jésuites : « Le 29 juillet (1657), à dix heures du matin, mouilla devant Québec le vaisseau nantois qui nous apporta M. d’Ailleboust[1], et laissa à l’île d’Orléans, chez M. (René) Maheu, M. de Maisonneuve et M. l’abbé de Kelus (Queylus) avec trois ecclésiastiques. »

M. Dollier de Casson ajoute : « Le père de Quen, supérieur des révérends pères jésuites, et feu M. d’Ailleboust[2], ayant su leur venue, s’en allèrent au devant d’eux jusqu’à l’île d’Orléans, où ils les régalèrent avec des témoignages d’une si grande bienveillance que cela les obligea de venir passer quelques jours à Québec, avant que de monter au Montréal, contre la résolution qu’ils en avaient faite ; quoi plus, on complimenta[3] M. l’abbé de Quélus sur les lettres de grand-vicaire qu’on savait qu’il avait ou qu’on présumait avoir de l’archévêque de Rouen. Ayant reçu leurs compliments et civilités sur ce sujet, il fut convié, surtout par un des révérends pères jésuites, de s’en vouloir servir pour Québec, ce qu’il ne voulait pas faire d’abord, mais enfin il acquiesça aux instances ; il n’y avait rien de plus doux, dans un pays barbare comme celui-ci, que d’y voir ces belles choses, mais un temps si serein ne fut pas longtemps sans se brouiller ; les tonnerres commencèrent à gronder, et nos quatre nouveaux missionnaires ne s’enfuirent pas pour en être menacés. Ils se regardèrent comme des novices sous le père maître et se résolurent de souffrir tout au long la rigoureuse de leur noviciat. Laissons-les tous quatre sur la croix, avec le père Poncet, très digne religieux de la compagnie de Jésus ; ne disons rien de leurs peines afin que le ciel, découvrant un jour toute chose à la fois, fasse voir en même temps la sincérité d’un chacun dans son procédé, et la raison pourquoi il a permis tout ce qui s’est passé. J’espère que nous verrons que, comme tous ont eu bonne intention, que tous aussi en auront des récompenses, tant ceux qui auront jeté les balles que ceux qui les auront reçues. Quant à ce qui est du reste des choses qui regardent le Montréal, nous n’avons rien à vous en dire pour cette année, si ce n’est la joie singulière qu’on y reçut d’y voir tous ces quatre messieurs, mais cette satisfaction ne dura pas longtemps et fut bientôt mélangée de tristesse par la venue du R. P. Poncet, qui fit descendre M. l’abbé de Quélus à Québec, afin d’y exercer pendant ce temps les fonctions curiales. »

On était au fort des embarras causés par les insistances des Iroquois à amener le reste des Hurons dans leur pays, où était, depuis un an, un groupe d’une cinquantaine de Français. Les délégués prononçaient des discours en présence de M. Charles de Lauson, gouverneur, dans lesquels ils protestaient de leur amitié inaltérable ; et, comme ils n’obtenaient pas ce qu’ils demandaient, ils passaient aux menaces, puis aux supplications. Au

  1. Les deux MM. d’Ailleboust étaient passés en France l’automne de 1656.
  2. Louis d’Ailleboust décéda, à Montréal, le 1er juin 1660. M. Dollier écrirait dix ans plus tard.
  3. C’était de la diplomatie d’autant plus curieuse que les jésuites croyaient M. de Queylus disposé à se mêler de leurs affaires à Québec.