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faire intervenir messieurs les associés de la compagnie, afin de réussir dans sa demande… M. Olier, qui ne pouvait refuser telles propositions, les accepta d’abord ; il eut bien voulu y venir se sacrifier lui-même, tout accablé qu’il était et près de son tombeau[1] par ses mortifications et austérités extraordinaires, mais n’y ayant de possibilité à la chose, il jetta les yeux sur monsieur l’abbé de Quélus, sur messieurs Souart et Gallinier et monsieur Dallet, qui tous quatre acceptèrent le parti avec autant d’obéissance et de zèle qu’on en saurait souhaiter… Quant à M. de Quélus, auquel l’assemblée générale du clergé avait voulu auparavant procurer un mitre pour venir ici annoncer l’Évangile, il n’y vint pas avec moins de joie sous une moindre qualité, voyant que la plus grande gloire de Dieu ne s’était pas trouvée conforme à celle qu’on avait eue de l’honorer du bâton pastoral. »

M. de Maisonneuve était arrivé à Paris au commencement de l’hiver de 1656-7, au milieu de l’effervescence résultant de la dispute des jansénistes et des molinistes. Dès le mois de janvier, Pascal lançait contre les jésuites les premiers de ses fameux libelles, les Provinciales, qui eurent d’abord un effet étourdissant. Ceci explique peut-être le succès de M. Olier ; car autrement les jésuites, dont la ligne de conduite dans les affaires du Canada était toute tracée, se seraient vus en position, comme jadis, de contrecarrer ses démarches, bien que M. Olier ne fût pas janséniste. Au mois d’avril (1657), lorsque les prêtres destinés à Montréal partirent de France, la cause des jésuites avait tellement baissé que leur influence à la cour et dans les salons de la capitale ne valait plus rien. Elle se releva bientôt.

En même temps, un nouveau gouverneur-général était nommé. Pierre de Voyer, chevalier, vicomte d’Argenson, conseiller d’État, née en 1626 d’une famille distinguée dans la robe, avait été destiné à la vie ecclésiastique et tonsuré à l’âge de dix ans ; mais il se tourna vers la carrière militaire, se signala à la bataille de Lens et au siège de Bordeaux durant la Fronde ; on le fit ensuite bailli de Touraine. Le président Lamoignon, très bien en cour depuis que la cause du parlement de Paris était triomphante, au milieu des intrigues et des revirements de la guerre civile, le désigna au ministre comme successeur de M. de Lauson au Canada. Sa commission, signée du roi, le 26 janvier 1657, renferme les passages suivants : « au lieu et place du sieur de Lauzon, dont le temps, qui ne doit être que de trois ans, ordonné par nos règlements pour ledit pays, est expiré[2]… ensuite de la présentation qui nous a été faite de la personne du vicomte d’Argenson… par la compagnie de la Nouvelle-France, ainsi qu’il appert par un extrait de leurs délibérations ci-attaché… donnons la dite charge de gouverneur et notre lieutenant-général dans toute l’étendue du fleuve Saint-Laurent en la Nouvelle-France, îles et terres adjacentes de part et d’autres du dit fleuve et autres rivières qui se déchargent en icelui, jusqu’à son embouchure, à prendre dix lieues près de Miscou du côté du sud, et du côté du nord autant que s’étendent les dites terres du dit pays, de la même sorte… que le dit sieur de Lauzon, pour trois ans seulement, qui commenceront du jour que le dit sieur vicomte d’Argenson arrivera à Québec… »

  1. Il mourut au printemps de 1657
  2. Il était expiré depuis plus de deux ans.