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sorte que tout cela mis ensemble a fait juger que la chose était venue à maturité pour la faire dorénavant paraître et éclater au dehors quand besoin serait ; ce qui s’est fait nunc primum par la publication susdite du jubilé, sous le nom et autorité de mondit seigneur archévêque de Rouen, qui fut qualifié notre prélat ce jour-là, 15 août, en présence, comme dit est, de monsieur le gouverneur et de tout le peuple assemblé, pendant la grande messe. »

De son côté, la mère de l’Incarnation écrivait, en 1652 : « Comme il n’y a point ici d’évêque, celui de Rouen a déclaré qu’il nous en tenait place. Et pour se mettre en possession, il a institué pour son grand-vicaire le révérend père supérieur des missions, lequel d’ailleurs étant le principal ecclésiastique du pays, nous nous reposons sur son autorité pour la validité de nos professions, après la consultation qui en a été faite en Sorbonne, signée de six docteurs. »

Ce n’était point là ce que voulaient les Canadiens ; car, d’après le père Le Clercq, récollet, le mécontentement des habitants existait toujours : « Le Français, dit-il, aime la liberté : il est ennemi de la contrainte jusque dans sa religion, en quelqu’endroit qu’il se rencontre. L’on a vu avec combien d’instances réitérées les Canadiens avaient demandé des récollets depuis le rétablissement de la colonie (1633). Plus on y mettait d’obstacles plus on augmentait leur soupçon et l’empressement qu’ils avaient de nous voir. »

Tant que M. de Lauson fut à la tête des affaires à Québec, il n’y eut que lui et les jésuites d’influents dans le pays ; mais sa triste administration se terminant par une déroute (1656), il y eut lieu d’espérer que les habitants pourraient faire entendre leur voix. Le gouverneur de Montréal laissa son commandement au major Closse et partit pour la France, sur les pas de M. de Lauson. Jusque là, dit M. Dollier de Casson, le principal but de M. de Maisonneuve « était de grossir cette colonie par le nombre des hommes dont il moyennait la venue ; maintenant il y veut établir un clergé pour la sanctification des peuples ; c’est pour cela qu’il passe la mer et expose sa vie en ce nouveau trajet, encore qu’il feignit un autre sujet pour son voyage. Il jugea ne devoir pas retarder ce dessein pour deux raisons ; la première, parce que les révérends pères jésuites se trouvaient pressés de toutes parts par les missions étrangères et éloignées des sauvages[1], qui sont écartés dans les bois, ce qui lui faisait craindre assez souvent de n’avoir pas toujours l’assistance spirituelle qu’il aurait souhaitée et qu’ils auraient bien désiré lui donner sans ces conjectures. Secondement, le souvenir des desseins de M. Olier et de tous les messieurs associés, qui avaient toujours eu la vue sur les messieurs du séminaire de Saint-Sulpice, ainsi qu’ils lui avaient déclaré, lui fit croire qu’il ne pouvait procurer trop tôt à cette île la venue des ecclésiastiques de cette maison, à cause des biens spirituels et temporels qu’ils y pouvaient faire. Ayant bien pesé toutes ces choses, il les proposa à Mlle Mance, laquelle étant de son sentiment, il se détermina d’aller trouver cette année feu M. Olier, l’illustre fondateur du séminaire de Saint-Sulpice, afin de lui demander des messieurs de son séminaire pour avoir le soin de cette île, comme aussi de

  1. On voulait, coûte que coûte, établir des missions chez les Iroquois, sans se préoccuper de la perfidie habituelle de cette nation et des misères déjà trop grandes de la colonie française.