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populaires, sans se séparer de la religion ; celle-ci réunissait les deux qualités voulues pour devenir notre fête nationale, lorsque M. Ludger Duvernay lui donna une constitution (1834).

M. de Gaspé a écrit un joli chapitre de ses Anciens Canadiens au sujet de la Saint-Jean-Baptiste, telle qu’on la célébrait au temps de sa jeunesse, durant le dix-huitième siècle, dans les paroisses du bas du fleuve, au-dessous de Québec. Il met en scène un Écossais et un Canadien qui parcourent le pays : « — Vous, monsieur, qui expliquez si bien les merveilles du ciel, vous plaîrait-il d’abaisser vos regards vers la terre, et de me dire ce que signifient toutes ces lumières qui apparaissent simultanément sur la côte du nord aussi loin que la vue peut s’étendre ? Ma foi, je commence à croire à la légende de notre ami José ! Le Canada est vraiment la terre des lutins, des farfadets, des génies, dont ma nourrice berçait mon enfance dans mes montagnes d’Écosse.

« — Ah ! dit mon oncle Raoul, arrêtons-nous ici un instant : ce sont les gens du nord qui, la veille de la Saint-Jean-Baptiste, écrivent à leurs parents et amis de la côte du sud. Ils ne se servent ni de plumes ni d’encre pour donner de leurs nouvelles ! »

Plus loin, il parle de l’habitude qu’ont les Habitants d’allumer sur les hauteurs des feux d’avertissement, sorte de communications télégraphiques du genre de celles employées par les anciens Grecs et les Latins.

« — Oui, reprit mon oncle Raoul, et si nous étions sur la côte du nord, nous verrions des signaux semblables sur la côte du sud. Si le feu une fois allumé, ou que l’on alimente, brûle longtemps sans s’éteindre, c’est bonne nouvelle ; s’il brûle en amortissant, c’est signe de maladie ; s’il s’éteint tout à coup, c’est signe de mortalité. Autant de fois qu’il s’éteint subitement, autant de personnes mortes. Pour un adulte, une forte lumière ; pour un enfant, une petite flamme… Les mêmes signaux, continua mon oncle Raoul, sont connus de tous les marins, qui s’en servent dans les naufrages pour communiquer leur détresse.

« Les Canadiens de la campagne avaient conservé une cérémonie bien touchante de leurs ancêtres normands : c’était le feu de joie, à la tombée du jour, la veille de la Saint-Jean-Baptiste. Une pyramide octogone, d’une dizaine de pieds de hauteur, s’érigeait en face de la porte principale de l’église ; cette pyramide, recouverte de branches de sapin introduites dans les interstices d’éclats de cèdre superposés, était d’un aspect très agréable à la vue. Le curé, accompagné de son clergé, sortait par cette porte, récitait les prières usitées, bénissait la pyramide et mettait ensuite le feu, avec un cierge, à des petits monceaux de paille disposés aux huit coins du cône de verdure. La flamme s’élevait aussitôt pétillante, au milieu des cris de joie, des coups de fusils des assistants, qui ne se dispersaient que lorsque le tout était consumé. »

« Autrefois, écrit M. l’abbé Maurault, dans l’Histoire des Abénaquis, la fête de saint Jean-Baptiste était toujours célébrée avec solennité, et se terminait par un feu de joie ; ce qui procurait aux sauvages une belle récréation. Voici ce que l’on faisait. Dans un lieu retiré du village, on plantait dans le sol un arbre long de vingt-cinq à trente pieds et dépouillé de ses branches, moins quelques-unes qu’on laissait au sommet. Puis, on élevait au pied de cet arbre