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— il y a peut-être là-dedans de quoi expliquer le désaccord dont le père Jérôme Lalemant fait mention.

1650. « La veille de saint Joseph, il y eut un feu fort froid, c’est-à-dire tout simple, sans artifice ni fusée. M. le gouverneur me fit prier par sa femme d’y mettre le feu, lui étant indisposé ; je le fis avec une grande répugnance. On n’y chanta point parce qu’on doit supposer que le salut qui a précédé immédiatement, c’est-à-dire environ une heure devant, supplée à cela. » Inutile d’insister sur les répugnances du père Jérôme Lalemant ; toutefois, il ne faut pas dire avec un historien qu’elles s’expliquent par les dissensions survenues entre « nos anciens gouverneurs et Mgr de Laval. » M. d’Ailleboust s’accordait très bien avec les pères jésuites. Mgr de Laval ne vint dans le pays, pour la première fois, que dix années plus tard. Le « feu fort froid » de 1650 n’a rien à démêler avec lui.

1650. « Le 23 juin, le feu de la Saint-Jean, duquel je m’excusai (le père Jérôme Lalemant) prévoyant qu’on m’y ferait mettre le feu à l’ordinaire, et ne jugeant pas à propos de laisser courir cette coutume, qui n’avait point été pratiquée (par le supérieur des jésuites) du temps de M. de Montmagny. Ce fut monsieur le gouverneur qui y mit le feu. Le père Delaplace y assista en surplis et étole, avec (Martin Boutet dit) Saint-Martin, pour y chanter le Te Deum. »

1651. « La veille de saint Joseph il y eut un feu comme l’an passé, auquel M. le gouverneur (M. d’Ailleboust) me pria (le père Ragueneau) de mettre le feu. Je le fis avec beaucoup de répugnance. J’avais mené avec moi le père Le Mercier et le père Gareau. » Il n’y avait pas que le père Jérôme Lalemant qui allât au feu de joie avec répugnance.

Du Canada, transportons-nous un instant à Paris. Les lignes qui suivent sont empruntées au Journal d’un voyage à Paris, 1657-8, publié à Paris en 1862 par A.-P. Faugère. Les auteurs de ce journal sont deux jeunes gens appartenant à une des premières familles de Hollande, venus en France pour achever de polir leurs mœurs et compléter leur éducation. Ils s’appelaient MM. de Villiers : « Le 22 juin 1657, en passant par la Grève, nous vîmes qu’on y faisait de grands préparatifs de feux d’artifice, pour la veille de la Saint-Jean, qu’on devait allumer sur le soir. La maison-de-ville était fort bien tapissée par dehors et par dedans. MM. de la ville y donnèrent une belle collation de confitures au gouverneur, aux principaux officiers et aux dames les plus relevées. » Le gouverneur de Paris, accompagné de milices sous les armes, tambours battant, enseignes déployées, alla mettre le feu à la machine. « On a, dit le Journal, une superstition particulière pour cette fête, et telle qu’il n’y a presque pas un gentilhomme ou un bourgeois qui porte le nom de ce saint, qui ne fasse ce jour-là un feu devant sa porte. » Revenons au Canada. Texte du Journal des Jésuites :

1660. « Le 19, jour de saint Joseph, se dit ici la messe, à l’ordinaire, à six heures ou cinq heures et demie, sans exhortation, à raison de la première messe que devait dire M. de Bernières aux ursulines, qui en effet la dit à sept heures. M. de Charny l’assistait. On y alla confesser, et il y eut une très grande quantité de communions. Le père Dablon y dit ensuite la messe, et moi (le père Jérôme Lalemant) la grande messe ensuite où le père Dablon et le