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anisme a transformées jusqu’à un certain point et que les générations ont un peu démodées, mais que le Canada français n’oublie pas — ce qui ajoute aux traits qui nous distinguent des autres races sur ce continent.

Cette coutume subsiste aussi dans certaines parties de la France[1].

Plusieurs versions de la Guignolée sont répandues au Canada. Elles se ressemblent de bien près. Si nous avions à en chanter une, nous choisirions celle-ci :

Bonjour, le maître et la maîtresse
Et tous les gens de la maison.
Nous avons pris une coutume
De v’nir vous voir une fois l’an.
Une fois l’an c’est pas grand’chose !
        Pour l’arrivée —
Qu’un petit morceau de chignée,
        Si vous voulez.


La guignolée, la guignoloche !
Mettez du lard dedans ma poche
Et du fromage sur mon pain ;
Je reviendrai l’année qui vient.
Si vous voulez rien nous donner
        Dites-nous-lé.
Et nous prendrons la fille aînée,
        Si vous voulez.


Nous lui ferons fair’ bonne chère,
Nous y ferons chauffer les pieds.
Pour le dernier jour de l’année,
La guignolée vous nous devez.
Nous ferons du feu dans les bois
        Étant à l’ombre,
On entendra chanter l’coucou
        Et la coulombe.


La fantaisie ajoute parfois des couplets ou même des variantes à ces strophes, mais le fond et la forme sont les mêmes partout.

« Cette chanson, écrit M. Ampère, est peut-être la seule trace de souvenir qui remonte à l’époque druidique… Dans les campagnes de France, autrefois, c’était toujours une quête pour les pauvres qu’on faisait, dans laquelle la pièce de choix était un morceau de l’échine du porc, avec la queue y tenant, qu’on appelait l’échignée ou la chignée. »

M. J.-C. Taché dit : « Il est probable que ces vers étranges :

Nous prendrons la fille aînée
Nous y ferons chauffer les pieds

  1. Voyez ce qu’en dit M. Ernest Gagnon, de Québec, dans ses Chansons populaires du Canada.