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mariant, une robe d’indienne, des bas de coton et des souliers, chez les boutiquiers : laquelle toilette passait souvent aux petits-enfants de la mariée. »

La coiffure de laine tricottée qui porte le nom de tuque est un souvenir de la Normandie. Elle a régné sur les têtes des habitants jusqu’à ces dernières années ; le luxe la chasse, comme la « toile du pays », le droguet et les « bottes sauvages ». C’est un malheur.

La blouse a toujours été inconnue parmi nous. Un habit court, de forme qui change au caprice d’un chacun, et qui ressemblait autrefois aux longues vestes de la noblesse, est ce que portent nos campagnards. En hiver, le « gros capot » enveloppe l’homme du mollet aux oreilles, et le capuchon de ce vêtement commode se ramène sur la tuque ou le casque de fourrure. Le pantalon est adopté depuis trois-quarts de siècle seulement. M. Faillon nous décrit le costume habituel de M. de Maisonneuve : « Quoique, dans les occasions où il devait paraître comme gouverneur, il fût toujours vêtu ainsi que le demandait son rang, et montrât beaucoup de dignité dans toute sa personne, son habit ordinaire était le même que celui des simples habitants, un capot de serge grise à la mode du pays. On appelle ainsi une espèce de vêtement avec capuchon, que les gens de mer mettent par-dessus leur habit ordinaire, pour se garantir du mauvais temps. » Cette serge grise, ou plutôt bure, est la fameuse « étoffe du pays » qui ne s’use… jamais ! On la fabrique dans toutes nos paroisses. Supérieure, par la durée et l’utilité, à tous les produits des manufactures, elle n’a rien de l’apparence misérable des étoffes dont se couvrent les paysans et les ouvriers de l’Europe. Il est regrettable que, depuis quelques années, un luxe mal appliqué et souvent ridicule ait répandu dans nos campagnes les tissus à bon marché que les villes nous fournissent pour affubler le peuple d’un faux air de rentier ruiné. L’étoffe du pays est communément de couleur grise, mais les nuances varient du plus foncé au plus clair ; on en fait de noire et de bleue. En 1665, les miliciens de Montréal portaient des capots bleus, et on donnait ce nom au corps placé sous les ordres de Charles Lemoine. M. de Courcelles aimait beaucoup ses capots bleus qui rendaient tant de services aux troupes du roi. M. Ferland remarque que « le bleu semble avoir été la couleur favorite des premiers habitants de Montréal. Ce goût paraît s’être conservé pendant longtemps : encore au commencement de ce siècle, les bonnets des gens de la campagne étaient bleus dans le district de Montréal, tandis qu’ils étaient rouges dans celui de Québec, et blancs autour des Trois-Rivières. » Qui se serait attendu à voir le futur drapeau tricolore sur la tête des sujets de Louis XIV !

Le mets canadien par excellence est la soupe, mais non pas une soupe pauvre comme presque tous les peuples la mangent. Elle a son caractère, et nous n’en parlons jamais qu’avec orgueil. Pour l’édification de nos compatriotes, citons les lignes suivantes de M. Le Grand D’Aussy, auteur de la Vie privée des Français : « On a donné anciennement le nom de potage à la soupe ordinaire, parce qu’alors on la servait toujours avec beaucoup de légumes et d’herbes potagères. Maintenant, par cette expression, devenue plus noble que l’autre, l’on désigne toutes les soupes quelconques ; et c’est en ce sens que je l’emploierai dans l’article qu’on va lire. — Si vous vous en rapportez aux Anglais et à quelques autres nations, elles