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CHAPITRE VIII


L’élément normand, son influence sur la jeune colonie. — Nationalité canadienne. — Caractère des Canadiens. — Mœurs et coutumes, vêtements, mobilier, cuisine des premiers Canadiens. — La Guignolée.



T

oujours désireux de peindre la Vie des Canadiens, nous allons, dans ce chapitre, décrire quelques-unes de leurs coutumes, déjà très distinctes de celles de France, à l’époque où nous sommes arrêté.

Le Perche et la Normandie ne nous envoyèrent que peu de colons après 1655. Les provinces du sud de la Loire : le Poitou, l’Aunis, la Saintonge, commencèrent alors à nous en fournir un bon nombre.

Les premiers arrivants (1608-1655) exercèrent une grande influence sur ceux qui les suivirent ; leurs habitudes, leurs mœurs, leur accent ont prévalu dans une large mesure. En 1655, ils comptaient déjà plusieurs dédoublements de familles, et devaient se chiffrer par près de cinq cents âmes. L’idée nationale, ou le sentiment de la nouvelle patrie, avait de la force parmi eux. Leurs enfants n’avaient plus que des aspirations canadiennes ; c’est au point que l’on rencontre constamment une distinction, dans les écrits du temps, entre les Français et les Canadiens. La Nouvelle-France était aussi chère à ces derniers que la Gaule l’avait été à une branche de la grande race celtique. Avant que de connaître le pays qu’ils ont tant aimé, les Gaulois avaient vécu en Orient, et peut-être leur affection s’était-elle attachée à d’autres contrées. Finalement, ils ont pris racine en France et lui ont voué leur amour sans même le raisonner ; et c’est ainsi probablement que les anciens Canadiens en agirent, ne se rendant pas trop compte de ce qui les retenait aux bords du Saint-Laurent — cette France nouvelle dont ils furent les Gaulois.

L’esprit d’association naquit parmi eux sans effort. En présence d’un ordre de choses qui pouvait leur paraître étrange, ils trouvèrent en eux-mêmes des ressources étonnantes. Normands, lorsqu’ils ne pouvaient pas résoudre un problème, ils le retournaient. C’est encore notre grande force politique : nous nous faisons une arme du moyen employé contre nous. M. Étienne Parent disait en 1850 : « Soyons bien persuadés que ce qu’il y a de plus menacé, de menacé avant tout, ce n’est pas notre liberté politique, qui est, pour ainsi dire, indigène à ce continent, mais bien notre nationalité. C’est donc de ce côté que doit principalement se