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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Les rigueurs du climat canadien n’effrayaient personne. L’intense chaleur de nos étés n’affaiblissait point les courages. Après avoir bravé les moustiques et les coups de soleil, le bûcheron voyait venir l’hiver avec tranquillité. C’était un changement de scène qui s’offrait à ses regards et d’autres combats à livrer aux éléments. Les journées étaient plus courtes, tant mieux : la santé se dédoublait ; les soirées s’allongeaient, tant mieux encore : la causerie et les chansons y gagnaient. Que de récits de la vieille France circulaient parmi nos gens ! Comme on se sentait vivre et comme il était bon à respirer, l’air vivifiant de la Nouvelle-France !

Les hirondelles une fois parties, la neige tombait à gros flocons, le vent sifflait dans les grands arbres, le feu tenait compagnie au laboureur désœuvré — mais on n’est jamais désœuvré lorsqu’on est Français et que les voisins n’ont rien à faire. Comme les oiseaux blancs qui peuplent nos hivers, nous savons tirer parti de tout. Le plaisir change de forme suivant les pays. Voyez-vous ces chanteurs frileux qui s’envolent aux souffles de l’automne ? Ce ne sont pas les oiseaux de neige ni les Canadiens ! Attendez quelque temps, ces derniers feront leurs délices des tourbillons de Noël, des avalanches de février et des glaces de la rude saison. Qu’il était bien de son pays le poète F.-X. Garneau lorsqu’il composait ces strophes :

Salut, petits oiseaux qui volez sur nos têtes,
Et de l’aile, en passant, effleurez les frimats ;
Vous qui bravez le froid, bercés par les tempêtes,
Venez tous les hivers voltiger sur mes pas.

Les voyez-vous glisser en légions rapides
Dans les plaines de l’air, comme un nuage blanc,
Ou le brouillard léger que le soleil avide,
À la cime d’un mont, dissipe en se levant ?

Entendez-vous leurs cris sur l’orme sans feuillage ?
De leur essaim pressé partent des chants joyeux.
Ils aiment le frimat qui ceint comme un corsage
Les branches du cormier, qui balancent sous eux.

Oh ! que j’aime a les voir au sein des giboulées
Mêler leur voix sonore avec le bruit du vent !
Ils couvrent mon jardin, inondent les allées,
Et d’arbre en arbre ils vont toujours en voltigeant.

On éteindra la gaîté canadienne le jour où l’on aura changé le naturel des oiseaux blancs.