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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

faisait honneur à son père le chancelier, aussi la reine l’appela-t-elle auprès de sa personne, et Nicolas Brulart le poussa-t-il dans les ambassades. Il s’en tira avec succès, tant en Espagne (1614) qu’à Rome (1622). Au milieu du luxe où il vivait, on commença à s’apercevoir que non-seulement il était très charitable, mais qu’il penchait pour la vie religieuse. À Rome, à Madrid, à Paris, il menait un train princier. Ses immenses revenus, habilement administrés, lui permettaient alors de contribuer à des œuvres de charité partout où il s’arrêtait. Ce type singulier du grand seigneur prodigue, de l’homme charitable et du demi-dévot se trouva complet le jour où, voulant se faire prêtre, le noble chevalier sortit de ses palais pour habiter un humble logement dans un coin de Paris. Sa fortune obérée, mais encore considérable, fut affectée à de pieuses fondations qu’il sema de tous côtés. Saint Vincent de Paul était son ami. En 1634, il fut ordonné prêtre. Bailli et grand-croix de l’ordre religieux et militaire de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur du temple de Troyes, etc., il renonçait à ces marques de distinction dans un pur esprit d’humilité et en vue de faire le bien. En 1637, il donnait à M. de Montmagny les fonds nécessaires à l’établissement de Sillery, près Québec, selon un projet conçu depuis deux ans. Un peu plus tard, il ajouta à ce premier don. Il secourut aussi généreusement les autres institutions du Canada. M. l’abbé Bois a publié une liste de ses nombreuses fondations ; saint Vincent de Paul, qui prononça son éloge funèbre, n’avait personne, dit un écrivain, qui le secondât avec plus de zèle et de constance que le commandeur de Sillery. Décédé le 26 septembre 1640, la nouvelle de sa mort ne parvint à Québec que vers la fin de mai 1641, et y causa un deuil général. Les Canadiens qui vont à Paris se rendent rue d’Enfer, chez les religieuses de la Visitation, où est le tombeau de ce bienfaiteur des missions de la Nouvelle-France.

Le père Le Jeune arrêta son choix sur l’anse appelée aujourd’hui Saint-Joseph et Saint-Michel de Sillery. Le sieur Derré de Gand, commis-général de la compagnie, s’était fait accorder des terres avoisinant ce lieu : il les céda généreusement au missionnaire. Cette année 1637, M. de Sillery envoya une vingtaine d’ouvriers et des secours en argent pour construire des bâtiments et commencer le défrichement des terres[1].

Trois Montagnais, nommés respectivement Nenaskoumat, Negabamat et Etineckaouat, s’étaient d’abord fixés aux Trois-Rivières et y cultivaient quelques petits champs. Ils furent les premiers à se transporter à Sillery, poste moins exposé que les Trois-Rivières aux incursions des Iroquois.

Empruntons à M. l’abbé Ferland une page savante où il décrit la charmante contrée au milieu de laquelle se trouve Sillery :

« Une carte de Québec, par Champlain, marque à environ une lieue au dessus de la ville naissante une pointe qui s’avance dans le Saint-Laurent, et qui est désignée comme étant fréquemment habitée par les sauvages. Plus tard, elle reçut le nom de Puiseaux, du premier possesseur du fief Saint-Michel, qu’elle borne au sud-ouest. Aujourd’hui, sur la pointe à Puiseaux, se trouve la jolie église de Saint-Colomb, environnée d’un village. De ce point

  1. Ferland : Cours d’histoire du Canada, i, 294.