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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

autour de lui, ne pouvait accorder l’attention nécessaire aux affaires d’outre-mer. Champlain, renvoyé au Canada, mais avec de faibles ressources, avait à peine commencé à rétablir la colonie dans sa primitive assiette, qu’il mourut en 1635, ne laissant qu’une œuvre ébauchée et sans force[1]. »

« Les malheurs dont la compagnie fut assaillie dans ses premières opérations, ajoute M. Ferland, avaient paralysé ses efforts. Les pertes subies par la prise des navires de Roquemont, les compensations accordées aux sieurs de Caen et à leurs associés, en épuisant ses fonds, l’avaient forcée, en 1633, à céder le commerce des pelleteries à une association particulière. Les membres de celle-ci s’occupaient de leur commerce bien plus que de l’établissement du pays. Comme ils jouissaient du droit exclusif d’exporter les pelleteries, ils avaient peu de désir d’exploiter les autres ressources du Canada. La traite avec les sauvages leur rendait de beaux profits, et ils s’en contentaient. Toutefois, les colons y gagnaient peu. Il est vrai que le commerce des pelleteries était permis dans le pays, où les peaux de castor servaient ordinairement de monnaie, mais les particuliers n’étaient pas autorisés à les transporter ailleurs. Ainsi, le colon, ne pouvant traiter directement avec les marchands des villes de France, devait se soumettre aux exigences des commis de la compagnie[2]. »

La guerre contre l’Autriche, qui éclata en 1635, et la guerre des Iroquois en 1636 aggravèrent la situation. « L’établissement de la compagnie des Cent-Associés avait fait tant de bruit que les Hurons en avaient conçu un espoir excessif, et loin de suivre les avis prudents que Champlain leur avait si souvent donnés, ils s’abandonnèrent, dans l’attente de secours imaginaires, à une présomption fatale qui fut cause de leur ruine[3]. » Les Iroquois, voyant l’attitude belliqueuse de leurs ennemis héréditaires, et comprenant que c’était le résultat de certaines nouvelles apportées de France, voulurent d’abord frapper les Hurons de terreur par des attaques rapides et vigoureuses (1636) ; ils furent repoussés. En 1637, le poste des Trois-Rivières se trouva bloqué par cinq cents de ces barbares, qui massacrèrent plusieurs Algonquins ; là comme au pays des Hurons, les Français qui eurent connaissance du danger se comportèrent vaillamment. Vers 1640, les Iroquois obtinrent des Hollandais des armes européennes, et prirent le dessus dans une lutte où ni le ministère de France, ni la compagnie des Cent-Associés, ni la société Rosée et Cheffault ne secouraient leurs alliés.

Les Relations des jésuites nous entretiennent fréquemment des bonnes intentions des Cent-Associés à l’égard du Canada : « Ils ont de l’amour pour un pays dont le roi les a fait seigneurs… cet amour me semble si épuré que je suis joyeux et confus tout ensemble de voir un dégagement aussi grand en des personnes attachées au monde. » De son côté, la compagnie écrivait : « Ce que nous faisons pour la colonie de la Nouvelle-France peut bien être recommandable à cause du zèle au service de Dieu. » Il n’est pas nécessaire de lire entre les lignes pour s’apercevoir que tout roule ici sur la conversion des sauvages ; mais les associés

  1. La France aux Colonies, ii, 10-13.
  2. Cours d’histoire du Canada, i, 284-5.
  3. Garneau : Histoire du Canada, i, 130.