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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

concession, et, étant à l’embouchure d’une rivière qui est du côté du sud, qui descend du lac ou vient proche du lac de Champlain, y aurions entré et monté en icelle et pour plus facile connaissance aurait été nommée la riviere Saint-François, et descendu à terre, assisté du sieur Paul, de Guillaume Hébert, de Gaspard le Poutourel, du sieur Bourdon, ingénieur, et de Jean Guytët, notaire commis greffier, aurions déclaré à Nicolas Trevet, écuyer, à ce présent, que nous le mettions en possession réelle et actuelle de la consistance des terres, îles, rivières, mer et lacs mentionnés par la dite concession, au nom et comme procureur du dit sieur de Lauson fils, pour en jouir par lui, ses hoirs et ayants cause, à quoi obtempérant le dit sieur Trevet aux dits noms aurait coupé du bois et arraché de l’herbe croissant sur les dites terres et fait les cérémonies à ce requises. Et pour marque de la prise de possession, avons fait enfouir du côté main gauche, en terre, vis à vis le bout de haut de la première île, une pierre avec quatre plaques de plomb au pied d’un sycomore sur lequel nous aurions fait graver une croix par le dit sieur Bourdon, en présence des sus-nommés, lesquelles plaques et pierre que nous avons fait enfouir ne servent que pour marque de prise de possession et non pour bornes, d’autant que la dite rivière Saint-François sert de borne d’un bout aux dites terres et d’autre bout pour borne une île nommée l’île Saint-Jean et la rivière nommée la rivière Sainte-Marie qui sont au dessus du saut Saint-Louis, en montant le dit fleuve Saint-Laurent, icelle rivière Saint-François, île Saint-Jean et rivière Sainte-Marie y comprise ; auquelles terres concédées nous aurions donné[1] la seigneurie de la Citière, suivant le désir du dit sieur François de Lauson, et d’autant que la dite rivière Saint-François et île Saint-Jean sont tenant incommutables et qui ne peuvent varier ni être changés, nous n’avons pas estimé être nécessaire de nous y transporter. — Et de tout ce que dessus, le dit sieur Trevet nous a requis acte à lui octroyé. Fait au fort des Trois-Rivières le 29 juillet 1638. » Signatures : C. H. de Montmagny, N. Trevet avec paraphe, Jehan Bourdon avec paraphe, Le Post avec paraphe, Guillaume Hébert, Poutourel avec paraphe.

La seigneurie de la Citière, puisque c’est là son nom, embrassait une étendue de plus de soixante lieues ; elle entrait sur le territoire des États-Unis ; les îles Saint-Paul et Sainte-Helène, vis-à-vis Montréal, et la seigneurie de Laprairie s’y trouvaient comprises. « Elle eût formé un royaume en Europe, écrit sir Louis-H. Lafontaine ; est-il possible de soutenir que le concessionnaire pouvait en faire le défrichement et la mettre en valeur ou culture par le moyen de simples engagés ? » Il est certain que M. de Lauson n’y envoya point d’habitants, bien que la concession lui en eut été faite « aux mêmes droits que le roi avait accordé ce pays à la compagnie de la Nouvelle-France. »

François de Lauson grandit avec l’âge, prit le nom de sieur de l’Isle, fut conseiller au parlement de Bordeaux, ne vint jamais au Canada, céda la seigneurie de Laprairie aux pères jesuites (1647), puis toute la Citière à son propre père, Jean de Lauson (1648), qui ne songea ni à la peupler ni à la défricher, et le roi en reprit possession en 1676[2].

  1. Il paraît manquer ici un mot ou deux dans l’original.
  2. Tenure seigneuriale, vol. A, 84. Société historique de Montréal, seconde livraison, 1859, pp. 68, 69, 86, 94.