Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome II, 1882.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

assignant leurs bornes de la dite quantité de six cents arpents, pour les mettre en possession et jouissance d’iceux, ainsi qu’il est dit ci-dessus, dont et de quoi il fera son procès-verbal pour être envoyé à la dite compagnie, avec l’aveu ci-dessus qu’il recevra des dits révérends pères. Fait en l’assemblée générale des intendants, directeurs et associés de la compagnie de la Nouvelle-France, tenue au bureau de la dite compagnie, à Paris, le quinzième jour de février, mil six cent trente-quatre. — Signé, pour la compagnie : Lamy[1]. »

M. de Champlain étant mort avant d’avoir mis les révérends pères jésuites en possession de ces terres, ce fut M. de Montmagny qui, en 1637, leur livra les terrains qui sont aujourd’hui la commune, le coteau Saint-Louis et, en ville, le petit fief Pachirini. D’après l’ordre signé à Paris en 1634, les pères se regardaient bien et dûment propriétaires ; on le voit dans une pièce du 18 août 1636, par laquelle M. de Montmagny concède à Jacques Hertel deux terrains, l’un de vingt-cinq arpents, l’autre de cinquante arpents (un morceau près du rivage de la basse-ville, et le fief Hertel, dans la haute-ville, si nous ne nous trompons pas) en présence de François Marguerie, de Jean Godefroy et des pères jésuites, « tous possesseurs de terrains aux Trois-Rivières, et qui ont signé au contrat. »

Le lecteur a remarqué dans le titre de la seigneurie de Beauport une condition qui se lit comme suit : « Les hommes que le sieur Giffard ou ses successeurs ou ayants cause feront passer en la Nouvelle-France tourneront à la décharge de la dite compagnie en diminution du nombre qu’elle doit y faire passer. » Selon la lettre et l’esprit de la charte de 1627, ces hommes ne devaient pas être de simples « engagés » de la compagnie, mais bien des colons appelés à participer à la propriété du sol pour le « défricher, déserter, mettre en valeur. » C’est pourquoi le concessionnaire de Beauport invita des fermiers, des artisans et des laboureurs à s’unir à lui pour aller exploiter sa seigneurie. Par des actes passés à Mortagne, au Perche, il s’obligea à leur distribuer des terres, en leur imposant des conditions faciles[2]. Dès le printemps de la même année, il se mit en route avec sa famille et ceux d’entre ses censitaires qui se trouvèrent prêts à entreprendre le voyage — les autres devant le rejoindre dans les années suivantes[3]. Les quatre vaisseaux qui partirent de Dieppe, au printemps de 1634, étaient sous les ordres du sieur Duplessis-Bochart, nommé à ces fonctions l’année précédente, après le départ d’Émeric de Caen de Québec. Ils arrivèrent devant Beauport le 4 juin. Le révérend M. Le Sueur, prêtre, était avec eux. La colonie mit aussitôt pied à terre, et M. de Champlain la logea dans le fort de Québec[4]. Sept ou huit de ces familles[5] nous sont connues ; les voici :

Jean Juchereau, sieur de Maure, né 1582, à la Ferté-Vidame, diocèse de Chartres, Beauce, frère de Noël Juchereau déjà cité, paraît avoir contribué presque autant que M. Giffard à préparer les voies à cette colonie[6]. Il avait épousé, vers 1624, Marie Langlois, qui

  1. Titres seigneuriaux, p. 70.
  2. Voir Rameau : La France aux Colonies, ii, 307.
  3. Ferland : Cours d’histoire du Canada, i. 267.
  4. Ferland : Notes sur les registres de Québec, pp. 60-1.
  5. Ferland : Cours d’histoire du Canada, ii, 6.
  6. Voir Rameau : La France aux Colonies, ii, 90.