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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

pour les en faire déloger, ce qu’ils eussent fait non autrement que par force… Ils avaient rapporté pour trois cents mille livres de pelleteries[1]. »

L’année 1631, la situation ne changea guère. Comme Guillaume de Caen se plaignait d’avoir subi des pertes considérables par la capture de ses vaisseaux et le pillage de ses magasins, le cardinal de Richelieu lui permit d’envoyer au Canada faire la traite à son compte, mais pour une année seulement. Émeric de Caen partit en conséquence de Dieppe, sur un navire appartenant à son oncle ; les Anglais lui défendirent de trafiquer avec les sauvages durant la belle saison, disant que s’il voulait hiverner à Québec, il aurait tout le temps d’écouler ses marchandises, ce qui lui parut inacceptable ; il remit à la voile pour la France.

Le capitaine Hubert Anselme, parti de Dieppe, le 25 mars, sur un vaisseau des Cent-Associés en destination de Tadoussac, relâcha à Miscou par crainte des Anglais, en apprenant de quelle manière ils interprétaient le traité de paix.

Le capitaine Charles Daniel avait pris la mer le 26 avril, commandant un second vaisseau des Cent-Associés, qui devait se rendre à Sainte-Anne du cap Breton. Aux environs de Terreneuve, il eut connaissance d’un pirate turc et voulut le chasser ; mais celui-ci, ne se voyant pas de force à résister, vira de bord et alla se jeter sur un bâtiment basque où il perdit son drapeau, sans toutefois se faire prendre. Arrivé à Sainte-Anne, Daniel détacha Michel Gallois pour la traite de Miscou, sur son propre navire. Gallois rencontra dans ces parages un frère du capitaine Dumay qui montait une barque[2] équipée au Havre-de-Grâce. Tous deux s’entendirent pour intimider les pêcheurs basques qui agissaient sans autorisation légale, et ils mirent d’abord la main sur le capitaine Joannis Arnandel, de Saint-Jean-de-Luz, qui n’était porteur d’aucun permis de pêche ; mais les Basques, revenant sur eux, les réduisirent à prendre la fuite, tandis que leur captif lui-même s’évadait en plongeant dans la mer, d’où ses gens le retirèrent en peu de temps.

Au mois d’avril, le capitaine Laurent Ferchaud avait mis à la voile du port de Bordeaux sur un navire des Cent-Associés, et s’était rendu en Acadie. Il fit trois voyages dans le cours de cette année, ravitailla le poste français du cap de Sable, y transporta des religieux et autres personnes dont nous parlerons plus loin. Ce fut le seul succès digne d’être enregistré en 1631.

Les notes diplomatiques continuaient à s’échanger entre Paris et Londres : Charles I promettait de rendre Québec ; les Kertk prétendaient ne rien savoir de ses intentions. Les Cent-Associés équipaient des navires qui ne rapportaient que des mauvaises nouvelles et coûtaient très cher d’entretien,

Il fallut le traité de Saint-Germain-en-Laye (29 mars 1632) pour trancher la question. Richelieu imposa sa volonté, et tout fut dit.

Guillaume de Caen avait toujours tenu sa réclamation d’indemnité devant la compagnie

  1. Œuvres de Champlain, 1304.
  2. Jaugeant trente-cinq tonneaux. Aujourd’hui, nous regardons comme un tour de force la traversée de l’Atlantique sur de pareilles coquilles.