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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

aller au dit pays de la Nouvelle-France, ils se sont rendus si difficiles et ont tellement effarouché les Français qui y voudraient aller habiter, que bien qu’il semble que l’on leur permette pour leur usage le commerce avec les sauvages, néanmoins c’est avec telle restriction que s’ils ont un boisseau de blé pour leur travail plus qu’il ne leur faut pour vivre, il leur est défendu d’en secourir les Français et autres qui en pourraient avoir besoin, et sont contraints de l’abandonner à ceux[1] qui ont la traite, leur étant de plus la liberté ôtée de le donner à qui leur pourrait apporter de France les commodités nécessaires pour la vie… C’est pourquoi, après avoir examiné diverses propositions sur ce sujet, et ayant reconnu n’y avoir moyen de peupler le dit pays qu’en révoquant les articles ci-devant accordés à Guillaume de Caen et ses associés comme contraires à l’intention du roi, mon dit seigneur le cardinal a convié les sieurs de Roquemont, Houel, Lataignant, Dablon, Duchesne et Castillon de lier une forte compagnie… faisant le nombre de cent leurs associés, promettant faire passer au dit pays de la Nouvelle-France deux à trois cents hommes de tous métiers dès l’année prochaine 1628 et pendant les années suivantes en augmenter le nombre jusqu’à quatre mille de l’un et de l’autre sexe dans quinze ans prochainement venant, et qui finiront en décembre que l’on comptera 1643 ; les y loger, nourrir et entretenir de toutes choses généralement quelconques nécessaires à la vie, pendant trois ans seulement ; lesquels expirés, les dits associés seront déchargés, si bon leur semble, de leur nourriture et entretenement, en leur assignant la quantité de terres défrichées, suffisantes pour leur subvenir, avec le blé nécessaire pour les ensemencer la première fois et pour vivre jusqu’à la récolte lors prochaine, ou autrement leur pourvoir en telle sorte qu’ils puissent, de leur industrie et travail, subsister au dit pays et s’y entretenir par eux-mêmes. Sans toutefois qu’il soit loisible aux dits associés et autres faire passer aucun étranger ès dits lieux, mais peupler la dite colonie de naturels français catholiques[2]. En chacune habitation[3] qui sera construite par les dits associés, afin de vaquer à la conversion des sauvages et consolation des Français y aura trois ecclésiastiques au moins, lesquels les dits associés seront tenus loger, fournir de vivres, ornements et généralement les entretenir de toutes choses nécessaires, tant pour la vie que fonction de leur ministère, pendant les dites quinze années, si mieux n’aiment les dits associés, pour se décharger de la dite dépense, distribuer aux dits ecclésiastiques des terres défrichées, suffisantes pour leur entretien… D’avantage, Sa Majesté accordera aux dits associés, pour toujours, le trafic de tous cuirs, peaux et pelleteries de la dite Nouvelle-France, et… tout autre commerce, soit terrestre ou naval qui se pourra faire… à la réserve de la pêche des morues et baleines seulement, que Sa Majesté veut être libre à tous ses sujets… Pourront néanmoins les Français habitués ès dits lieux avec leurs familles, et qui ne seront nourris ni entretenus aux dépends de la dite compagnie, traiter librement des pelleteries avec les sauvages, pourvu que les castors par eux traités soient par après donnés aux dits associés, qui seront tenus de les acheter d’eux

  1. La compagnie de Guillaume de Caen.
  2. Ce dernier mot mettait un terme aux dissensions que nous avons signalées, surtout dans l’espace du quart de siècle qui va de 1600 à 1626. Désormais, les colons, les hivernants, les employés, les chefs seront tous d’une même religion, et les choses n’en iront que mieux.
  3. Poste de traite, village.