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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

rasser des conspirateurs (1626). En même temps, il se fit nommer surintendant-général de la marine. Voilà comment nous le voyons (1627) occupé des affaires du Canada, qui relevaient de son ministère.

La première pensée de Richelieu, au sujet des colonies, avait été de les placer directement sous la protection de la couronne ; mais il dut s’en rapporter bientôt à un autre système, celui des compagnies qui se chargeaient, moyennant des avantages commerciaux, de peupler ces pays. L’autorité du roi devait néanmoins, entendait-on, se faire sentir suffisamment pour contraindre les associés à remplir leurs obligations. Les pièces[1] que nous allons mettre sous les yeux du lecteur exposent le plan du ministre mieux que nous ne saurions le faire :

Acte d’établissement des Cent-Associés, 27 avril 1627 :

« Le roi, continuant le même désir que le défunt roi Henri-le-Grand, son père, de glorieuse mémoire, avait de faire rechercher et découvrir ès pays, terres et contrées de la Nouvelle-France, dite Canada, quelque habitation capable pour y établir colonie, afin d’essayer, avec l’assistance divine, d’amener les peuples qui y habitent à la connaissance du vrai Dieu, les faire policer et instruire à la foi et religion catholique, apostolique et romaine ; monseigneur le cardinal de Richelieu, grand-maître, chef et surintendant-général de la navigation et commerce de France, étant obligé par le devoir de sa charge de faire réussir les saintes intentions et desseins des dits seigneurs rois, avait jugé que le seul moyen de disposer ces peuples à la connaissance du vrai Dieu était de peupler le dit pays de naturels français catholiques, pour, par leur exemple, disposer ces nations à la religion chrétienne, à la vie civilisée, et, même y établissant l’autorité royale, tirer des dites terres, nouvellement découvertes, quelque avantageux commerce pour l’utilité des sujets du roi ;

« Néanmoins, ceux auxquels on avait confié ce soin avaient été si peu curieux d’y pourvoir, qu’encore à présent il ne s’y est fait qu’une habitation, en laquelle, bien que pour l’ordinaire on y entretienne quarante ou cinquante Français, plutôt pour l’intérêt des marchands que pour le bien et l’avancement du service du roi au dit pays ; si est-ce qu’ils ont été si mal assistés, jusqu’à ce jour, que le roi en a reçu diverses plaintes en son conseil, et la culture du pays a été si peu avancée que, si on avait manqué d’y porter une année les farines et autres choses nécessaires pour ce petit nombre d’hommes, ils seraient contraints d’y périr de faim, n’ayant pas de quoi se nourrir un mois après le temps auquel les vaisseaux ont accoutumé d’arriver tous les ans.

« Ceux aussi qui avaient, jusqu’à présent, obtenu pour eux seuls tout le commerce ès dits pays, ont eu si peu de pouvoir et de volonté de le peupler et cultiver qu’en quinze années que devait durer leur traité, ils ne se sont proposé d’y faire conduire au plus que dix-huit hommes ; et encore, jusqu’à présent, qu’il y a sept ans que les articles en furent dressés, ils ne se sont mis en aucun devoir, ni commencé de satisfaire à ce dont ils étaient obligés. Car, bien qu’ils soient tenus de passer pour trente-six livres chacun de ceux qui voudraient

  1. Acte d’établissement des Cent-Associés, 27 avril 1627 ; approuvé par Richelieu, 29 avril ; accepté par les associés, 2 mai ; ratifié par le conseil du roi et signé par le roi, au camp devant la Rochelle, 6 mai ; lettres d’attaches signées par Richelieu, 18 mai.