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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

père Poulin, étant parti des Trois-Rivières en destination du saut Saint-Louis, tomba en leur pouvoir et allait être brûlé lorsqu’on l’échangea contre des prisonniers iroquois. Deux années plus tard (1624), on fut bien surpris d’entendre les Iroquois parler de réconciliation et déléguer plusieurs de leurs chefs à une assemblée convoquée dans cette vue aux Trois-Rivières. Nous sommes porté à croire que les Hollandais commençaient à se fatiguer des exigences des tribus iroquoises, et que celles-ci voulurent faire acte de politique en se rapprochant des Français par le moyen des Algonquins et des Montagnais. Quoi qu’il en soit, la paix, proclamée solennellement en cette circonstance (1624), avait chance de durer tant que les alliés des Français ne commettraient point d’écart. C’est donc avec chagrin que Champlain apprit, au printemps de 1627, ce qui se passait parmi ses alliés. Les Iroquois, désirant tirer vengeance d’une nation appelée les Loups, avaient massacré (août 1626) plusieurs de ces sauvages, sans épargner cinq Hollandais qui commerçaient avec eux. L’hiver suivant, un certain nombre de guerriers des bords du Saint-Laurent, s’étant rencontrés avec les Loups, promirent à ces derniers de les seconder dans la guerre qu’ils allaient entreprendre contre les Iroquois. Champlain en témoigna son mécontentement aux chefs algonquins et montagnais, leur reprochant de tout compromettre par cette alliance intempestive. Rendez-vous avait été pris aux Trois-Rivières ; on y envoya de Québec des sauvages influents, avec Eustache Boulé, pour détourner les esprits de ce dangereux projet, et il fut convenu qu’il ne se déciderait rien avant le retour des navires de France. Au mois de juin (1627), Émeric de Caen, aussitôt arrivé, monta à la traite aux Trois-Rivières ; mais, écrit Champlain, « il ne sut tant faire, ni tous les sauvages qui étaient là, que neuf ou dix jeunes hommes écervelés n’entreprissent d’aller à la guerre. » Cette bande reparut, quelque temps après, avec des prisonniers iroquois que l’on fit passer par les tourments ordinaires. La paix était de nouveau rompue. Le frère Gervais-Mohier, qui se trouvait aux Trois-Rivières, raconte ce qui suit : « Arrivèrent sur le soir trois canots de jeunes Montagnais, volontiers qui malgré leurs parents et capitaines étaient partis pour la guerre contre les Iroquois, pour y mourir ou pour en ramener des prisonniers, ce qu’ils firent. Ils venaient chantant tout debout dans leurs canots, comme personnes fort contentes et joyeuses, et si loin qu’on les aperçut et qu’on put décerner leur chant et leur posture, on jugea à leur mine qu’ils venaient de la guerre et qu’assurément, ils avaient autant de prisonniers comme ils répétaient à la fin de chaque couplet de leur chanson le fillabo ho, ce qui fut trouvé véritable, car ils répétaient deux fois, aussi avaient-ils deux prisonniers. » Le frère Sagard ajoute : « Ils en font de même quand ils ne rapportent que les têtes de leurs ennemis, ou leurs perruques écorchées, lesquelles ils attachent chacune au bout d’un long bois, arrangé sur le devant de leur canot, pour faire voir leurs prouesses et la victoire obtenue sur leurs ennemis à ceux qui leur doivent une honorable réception pour ces exploits. Le bon frère Gervais, désireux de voir ces prisonniers de plus près, et sonder s’il pouvait obtenir leur délivrance, se fit conduire à terre avec le R. P. Lalemant et de là entrèrent dans les cabanes pour voir ces pauvres prisonniers qu’ils trouvèrent chez un sauvage montagnais nommé Macabo ou Martin par les Français qui nous