Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome II, 1882.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Le sieur de la Ralde eut un démêlé avec Louis Hébert, qui commandait un navire de Caen. Hébert persistait à donner l’avant du vaisseau aux catholiques, à l’heure des prières, mais de la Ralde s’y opposait, bien que ces deux fonctionnaires fussent de même croyance. Les récollets les appaisèrent.

Louis Hébert et Guillaume de Caen sollicitaient à cette époque la concession de certaines terres ; car on voit que le duc de Montmorency accorda (4 février 1623) à Hébert la propriété[1] qu’il avait commencé à défricher, dès 1617, sur le plateau de Québec, et, dans l’été de 1624, de Caen déclara à Champlain que le duc lui avait donné, à lui de Caen, non seulement le domaine du cap Tourmente, mais l’île d’Orléans et autres îles du voisinage. Les deux concessions ne furent pas négligées, comme on le verra, bien que les circonstances ne permissent point d’exécuter tous les projets conçus de ce côté.

Pendant l’hiver de 1622-3, « le dit du Pont fut laissé à l’habitation (de Québec) pour principal commis de MM. les associés, et (nous) hivernâmes ensemble. En cet hivernement étaient, tant hommes que femmes et enfants, cinquante personnes… Le dit du Pont tomba malade de goutte le 27 septembre, jusqu’au 23 d’octobre, et l’incommodité qu’il en sentait fit que pendant l’hiver il ne sortit point de l’habitation… Le 23 de mars 1623, le dit du Pont retomba malade de ses gouttes où il fut très mal avec de si grandes douleurs que l’on n’osait presque le toucher, quelque remède que le chirurgien lui pût apporter, et fut ainsi tourmenté jusqu’au septième jour de mai, qu’il sortit de sa chambre[2]. »

Pontgravé n’ayant pu partir pour Tadoussac au commencement de mai, à cause de sa maladie, se chargea ensuite de rencontrer les sauvages, vers le haut du fleuve, pour les engager à se rendre jusqu’à Québec, où l’on désirait voir se faire la traite, de préférence aux Trois-Rivières, par exemple, où il fallait aller avec « grandes peines et risques, » comme s’exprime Champlain. Pontgravé se rendit ainsi au lieu où fut depuis Sorel[3]. Quelques sauvages descendirent à Québec, mais la traite fut troublée par des bruits de guerre[4].

« Le dit du Pont se résolut de s’en aller en France à cause de l’incommodité qu’il avait et ne pouvait avoir les choses nécessaires ici pour sa maladie, qui l’occasionna de partir avec le dit sieur de Caen, de Québec, le 23 août[5]. »

Il fut de retour en 1624, fit la traite, et repartit pour la France au mois de septembre, amenant de Caen, de la Ralde, Champlain et sa femme.

Les récollets, au nombre de dix pères et un frère, qui visitèrent le Canada, de 1615 à 1623, sont bien connus. Voici leurs noms ; Jamay, d’Olbeau, Le Caron, Duplessis, Huet, Poulin, Le Baillif, Galleran, Piat, Viel et Sagard. Ce dernier n’était que frère lai lorsqu’il

  1. Titres seigneuriaux, I, 373.
  2. Œuvres de Champlain, pp. 1037, 1039, 1041.
  3. Le sieur Doublet, venant de l’île Saint-Jean et de Miscou, arrive à la rivière des Iroquois (1623) et annonce à Champlain que les Basques, retranchés à l’île Saint-Jean, menacent de s’y défendre si on les veut forcer à suivre les ordonnances sur la traite.
  4. Œuvres de Champlain, pp. 1041, 1043-4.
  5. Œuvres de Champlain, p. 1052.