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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

ment (1691) plus de deux cent cinquante personnes et plus de neuf cents qui sont alliées à cette famille, de laquelle quelques descendants ont obtenu des lettres de noblesse, et les autres se sont signalés dans l’ancienne et la nouvelle France par des services considérables[1]. »

Au nombre des employés et autres personnes qui figurent, cette année (1621), à Québec, nous citerons les suivants :

Jacques Halard ou Alard, de l’équipage du sieur de Caen, arrive de France (1621) avec ce dernier et est dépêché à Québec, puis à la traite des Trois-Rivières ; en 1624, il était commis de la traite à Tadoussac ; on pense que c’est le même qui s’établit à Québec. Le capitaine Lavigne, de Honfleur, commandait le navire de Pontgravé. Le capitaine Legrand, aux ordres de de Caen. Le sieur de la Ralde, employé par de Caen ; on le retrouve dans le pays jusqu’à 1628. Le sieur Jean-Baptiste Varin, chargé par de Caen de livrer des armes à Champlain. Un nommé Roumier, sous-commis au magasin de Québec, y passe l’hiver 1619-20, puis retourne en France, trouvant ses gages trop peu élevés ; il revint (1621) porteur de dépêches pour Champlain et commis de la nouvelle société. Un gentilhomme du nom de Duvernay, qui avait voyagé au Brésil, arriva à Québec (1621) sur le navire du capitaine Dumay, se rendit à la traite des Trois-Rivières, puis retourna à Québec ; l’hiver 1622-23, il était chez les Hurons ; il y retourna hiverner (1623-24), et en revint avec quatre Français, dont l’un se nommait Lamontagne.

À partir de 1621, on voit reprendre les opérations des Français dans le Haut-Canada. Champlain et le père Le Caron étaient revenus de cette contrée en 1616, et Étienne Brûlé en 1618. Les sieurs de Caen y envoyèrent (1621) plusieurs hommes qui, jusque vers 1628, s’y maintinrent au nombre d’une douzaine, plus ou moins. Ce groupe représentait à peu près le type de l’interprète et du coureur de bois du Brésil, dont nous avons parlé. Agissant sous la direction des commerçants, ils s’abouchaient avec les sauvages, dans l’intérêt de la traite des pelleteries, mais ne songeaient ni de près ni de loin à la cause de la morale ou à l’avenir du pays. Lorsque les missionnaires retournèrent, en 1625, au lac Nipissing et à la baie Géorgienne, ils rencontrèrent cette triste école qui faisait dire au frère Sagard que si, par bonheur, l’on se rappelait les vertus et la conduite exemplaire de Champlain, on avait malheureusement devant les yeux de quoi faire perdre à jamais le prestige chrétien dont les traiteurs de la compagnie de de Caen démolissaient les bases. La situation était celle-ci : à force de restreindre les actes du fondateur de Québec aux seules choses du Saint-Laurent, l’avant-garde des Français, qui visait à s’assurer le commerce de l’ouest, prenait un caractère de bas étage. Sur ce vaste champ qui va de Tadoussac au lac Huron, deux courants d’idées se poursuivaient — l’un tout au service des traiteurs, l’autre subissant l’influence de Champlain et restant dans la mesure du plan d’une colonie stable. Si l’on doute de cette assertion, que l’on dise où sont passés, après 1628, les hommes de de Caen : ils se sont évanouis comme de véritables hivernants qu’ils étaient. Soit qu’ils aient repris le chemin de la France pour ne plus revenir, ou qu’ils se soient laissé absorber par les sauvages, à l’instar de leurs modèles

  1. Le Clercq ; Premier Établissement, I. 112, 374.