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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Sans oser prétendre que tous les colons du Canada (1608-1645) sont représentés dans la liste qui précède, nous pensons que ce tableau est assez complet pour servir de base aux observations que le lecteur voudra faire sur cet intéressant sujet. Ainsi, on y voit que cent vingt-deux colons ou habitants, établis dans l’espace d’une quarantaine d’années, ont, dans les neuf-dixièmes des cas, laissé parmi nous une nombreuse descendance[1]. Ces hommes, presque tous nouvellement mariés au moment de leur immigration, appartenaient à la classe des cultivateurs ou petits métayers ; ils étaient éminemment propres à la vie de défricheurs d’abord, et ensuite d’habitants ; ceux qui n’étaient pas encore mariés ne tardèrent pas à épouser les Françaises et à fonder des familles. Cette petite population est tout-à-fait typique : elle offre ce caractère que toutes les familles se sont conservées, et que chaque individu compte comme fondateur de paroisse. Nous donnerons dans un troisième volume la liste des Français qui composaient la population flottante de cette époque, et qui étaient, à proprement parler, des hivernants. Nos observations portent uniquement sur la population stable, c’est-à-dire les Canadiens. La plupart des cent vingt-deux colons fondateurs que nous montre le tableau précédent étaient arrivés entre les années 1634 et 1641, puisque durant cette période on n’en compte pas moins de quatre-vingts. La guerre des Iroquois et la mauvaise administration des Cent-Associés furent cause qu’il en vint seulement dix-neuf dans les quatre années qui suivirent.

De 1608 à 1645, la Normandie nous donna trente-cinq colons ; le Perche, vingt-sept ; la Beauce, quatre ; la Picardie, trois ; Paris, cinq ; le Maine, trois ; la Brie, trois — soit un total de quatre-vingts pour la région située au nord de la Loire. Les années qui en fournirent le plus sont 1636 et 1639, à savoir, dix-sept et dix-huit chaque fois.

Sur cent dix-neuf femmes mariées, il y en avait vingt-trois du Perche, vingt-deux de la Normandie, onze de Paris, deux de l’Anjou et deux de la Beauce — soit soixante-huit au nord de la Loire. Il est vrai que trente femmes n’ont pas de lieux d’origine connus ; mais tout nous porte à croire que la plupart venaient aussi des provinces du nord ; en d’autres termes, elles avaient suivi leurs parents, et, par conséquent, le groupe des quatre-vingts hommes mariés que nous venons de signaler au lecteur comme étant venus du nord était balancé par quatre-vingts femmes mariées originaires de ces mêmes provinces.

Cinq femmes, nées au Canada, se sont mariées avant l’année 1645 ; trois d’entre elles, étant devenues veuves, ont convolé en secondes noces. Trois femmes nées en France et venues avec leurs maris se sont remariées après la mort de ceux-ci. On remarque que des jeunes filles de treize et quatorze ans entraient en ménage à mesure que les hommes arrivaient de France, et qu’elles fondèrent des familles nombreuses qui se sont perpétuées jusqu’à nos jours.

Dans toute cette période qui s’arrête à 1645, il n’y a pas eu d’organisation spéciale pour le recrutement des femmes ; si, d’un côté, il en est venu quatre-vingts du nord de la France (chiffre correspondant à celui des hommes de ces endroits), celles qui sont indiquées comme

  1. Consultez toujours, sur la généalogie de nos familles, le dictionnaire de Tanguay.