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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Dauversière avait fait boule de neige en recrutant[1] de mois en mois, dans l’espace de quatre ou cinq années, les bailleurs de fonds et les missionnaires qui devaient soutenir l’œuvre si difficile de la colonie de Montréal.

Trois navires avaient été préparés ; l’un qui partit de Dieppe et arriva à Québec vers la fin de juillet ou au commencement d’août, était monté par dix hommes[2], qui se mirent « à bâtir un magasin sur le bord de l’eau, dans un lieu qui avait été donné par M. de Montmagny pour la compagnie de Montréal » ; les deux autres appareillaient à la Rochelle. Celui où était mademoiselle Mance, avec le père Delaplace et douze hommes, leva l’ancre le même jour que M. de Maisonneuve, M. Antoine Fauls, prêtre, chapelain des ursulines, et environ vingt-cinq hommes. Après huit jours de navigation, les deux vaisseaux furent séparés. Celui de mademoiselle Mance ne rencontra que du beau temps, et parut devant Québec le 8 août ; par contre, M. de Maisonneuve éprouva de furieuses tempêtes, perdit trois ou quatre hommes, dont un était son chirurgien, et n’arriva à destination que le 20 août. Les dépenses de cet armement s’élevaient à soixante et quinze mille livres, le tiers fourni par M. de Fancamp[3].

Par une décision en date du 17 décembre 1640, la compagnie de la Nouvelle-France s’était engagée à transporter à ses frais, sur ses propres vaisseaux, jusqu’à trente hommes de la compagnie de Montréal, au prochain embarquement, ainsi que trente tonneaux de provisions, et d’écrire à M. de Montmagny de livrer deux emplacements, l’un au port de Québec, l’autre aux Trois-Rivières, pour y construire des magasins. De son côté, la compagnie de Montréal avait soumis le mémoire suivant qui exprimait ses intentions : « Le dessein des associés de Montréal est de travailler purement à procurer la gloire de Dieu et le salut des sauvages. Pour atteindre ce but, ils ont arrêté entre eux d’envoyer, l’an prochain, à Montréal, quarante hommes bien conduits et équipés de toutes les choses nécessaires pour une habitation lointaine. Ils ont arrêté aussi de fournir deux chaloupes ou pinasses pour voiturer, de Québec à Montréal, les vivres et les équipages des colons. Ces quarante hommes, étant arrivés dans l’île, se logeront et se fortifieront, avant toute chose, contre les sauvages ; puis ils s’occuperont, pendant quatre ou cinq ans, à défricher la terre et à la mettre en état d’être cultivée. Pour avancer cet ouvrage, les associés de Montréal augmenteront, d’année en année, le nombre des ouvriers, selon leur pouvoir ; enverront des bœufs et des laboureurs, à proportion de ce qu’il y aura de terres défrichées, et un nombre suffisant de bestiaux pour en peupler l’île et engraisser les terres. Les cinq années étant expirées, ils feront construire une maison, sans interrompre le défrichement des terres, et la meubleront de toutes les choses nécessaires pour la commodité de ceux d’entre eux qui voudront aller en personne servir Dieu et les sauvages dans ce pays. Ils feront ensuite bâtir un séminaire, pour y instruire les enfants mâles des sauvages. On tâchera de conserver habituellement dans ce

  1. Nous croyons que, en ce moment, la compagnie de Montréal était composée de MM. de la Dauversière, de Fancamp, Olier, de Renty et mesdames de Bullion et de Villerchavin.
  2. Deux des ouvriers amenaient leurs femmes ; de plus, une jeune fille.
  3. Dollier de Casson : Histoire du Montréal, 19, 25-30 ; Faillon : Histoire de la colonie, I, 415, 418, 421.