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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

lieux concédés, y puissent bâtir aucune forteresse ou citadelle, et néanmoins se pourront retrancher ou munir autant qu’il est besoin pour se garantir des incursions des sauvages seulement ; se réservant la compagnie la faculté de faire bâtir des forts et citadelles quand elle jugera être à faire ci-après pour y loger ses capitaines et officiers, auquel cas et dès la première demande et sommation qui en sera faite aux dits sieurs Chevrier et le Royer ou leurs successeurs ou ayans cause, ils seront tenus de souffrir que la compagnie fasse construire et édifier les dits forts ou citadelles en telle place et endroit de la dite île et de la dite étendue sur le dit fleuve Saint-Laurent que bon lui semblera, soit sur les bords de la dite île ou places joignant le dit fleuve, soit au dedans d’icelle même sur la dite montagne de Montréal, si la compagnie le juge à propos, et à cet effet seront tenus de délivrer aux officiers de la dite compagnie autant de terre qu’il faudra pour les dits forts et pour la nourriture de ceux qui seront établis pour la conservation d’iceux ; et en cas qu’il fût jugé à propos par la dite compagnie de bâtir aucun fort sur la dite montagne de Montréal, leur sera fourni un espace suffisant en la dite montagne et jusques à cinq cents arpents de terre autour d’icelle pour la nourriture et entretien de ceux qui seront employés à la garde du dit fort, en telle sorte toutefois que les dits forts qui seront construits par la compagnie ailleurs que sur la dite montagne ne seront mis plus près de la principale habitation qui se fera sur les dits lieux concédés que d’une lieue française ; et encore, au cas qu’il fût avisé de construire les dits forts sur quelques terres qui auraient été défrichées, en ce cas les propriétaires en seront dédommagés[1] par la dite compagnie. — Ne pourront aussi les dits sieurs Chevrier et le Royer, ni leurs successeurs ou ayans cause, faire cession ou transport de tout ou de partie des choses ci-dessus concédées au profit de ceux qui seront déjà habitués sur les lieux, soit à Québec, aux Trois-Rivières ou ailleurs en la Nouvelle-France, mais seulement à ceux qui voudront passer exprès afin que la colonie en soit d’autant plus augmentée[2]. Entend la dite compagnie que la présente concession ne puisse préjudicier à la liberté de la navigation qui sera commune aux habitants de la Nouvelle-France et par tous les lieux ci-dessus concédés, et à cet effet qu’il soit laissé un grand chemin royal de vingt toises de large tout alentour de la dite île depuis la rive jusques aux terres, et pareille distance sur le fleuve Saint-Laurent depuis la rive d’icelui aussi aux terres concédées, le tout pour servir à la dite navigation et passage qui se fait par terre. — Pour commencer à faire valoir les terres ci-dessus concédées seront tenus, les dits sieurs Chevrier et le Royer, de faire passer nombre d’hommes en la Nouvelle-France par le prochain embarquement que fera la compagnie avec les provisions nécessaires pour leur nourriture et de continuer d’année en année afin que les dites terres ne demeurent incultes, ainsi que la colonie en puisse être augmentée[3]. Et afin que la compagnie soit

  1. Les défricheurs devaient donc être propriétaires ?
  2. Les Cent-Associés, qui ne remplissaient pas leur promesse de fournir des colons à la Nouvelle-France, commençaient à craindre que les seigneurs ne se fissent concurrence en recrutant les uns chez les autres.
  3. « C’est la compagnie elle-même qui parle ; c’est elle qui nous dit quels sont l’esprit et l’objet de sa charte, quelles sont ses obligations et celles de ses vassaux. Elle sait si bien que l’inexécution de ces concessions en fief doit en entraîner la révocation que, dans ce titre du 17 décembre 1640, elle en donne elle-même un exemple pour cette même île de Montréal, et en informe les nouveaux concessionnaires, par voie d’avertissement pour ainsi dire, afin de les mettre en garde contre le même danger. » (Sir Louis-H. Lafontaine : Documents de la Tenure seigneuriale) vol. A, p. 38.)