Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome II, 1882.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Sous couleur de colonisation, l’intendant de la compagnie se faisait encore ici accorder un beau domaine, comme le montre l’acte suivant : « Aujourd’hui est comparu par devant les notaires… Jacques Girard, escuyer, sieur de la Chaussée et de la Callière, demeurant ordinairement à la Gilardie, pays de Poitou, lequel a reconnu… n’avoir prétendu… en la concession qui lui a été faite, le 15 janvier 1636, au dit pays de la Nouvelle-France, de l’île de Montréal… qui est et appartient à messire Jean de Lauson, conseiller du roi en ses conseils d’État et directeur de ses finances, n’ayant le dit sieur de la Chaussée accepté la dite concession que pour faire plaisir et prêter son nom seulement au dit sieur de Lauson, en la possession duquel elle est toujours demeurée… et en tant… il fait la présente déclaration et transport de la dite concession… au dit sieur de Lauson, et le subroge en son lieu… Et acceptant pour le dit sieur de Lauson, maître Nicolas Hardin, garde et juge de la Monnaie de Paris et demeurant à la dite Monnaie, paroisse Saint-Germain de l’Auxerrois… Fait et passé à Paris, en l’étude des notaires soussignés, l’an mil huit cent trente-huit, le trentième jour d’avril, et ont signé : Jacques Girard, Hardin, Huart et Haguenier, notaires[1]. »

Jusqu’à la date du 15 janvier 1636, les assemblées de la compagnie de la Nouvelle-France s’étaient tenues « en l’hôtel de M. de Lauzon » ; celles des 18 mars et 1er décembre 1637, et du 5 avril 1639, eurent lieu dans l’hôtel de M. Fouquet ; celle du 17 décembre 1640 se tint chez M. Bordier. Il faut donc croire que M. de Lauson s’était démis de la surintendance de la compagnie à la fin de l’année 1636 ou au commencement de 1637, pour se rendre dans le Dauphiné où l’appelait une charge importante.

Le père Le Jeune visita l’île de Montréal dans l’automne de 1637, avec M. de Montmagny. Après avoir passé le lac Saint-Pierre en montant, il explora la rivière Sorel, Chambly ou Richelieu. « Nous visitâmes, dit-il, le fleuve des Iroquois, ainsi nommé pour ce qu’il vient de leur pays. M. de Montmagny donna à la grande île qui fait face à ce fleuve le nom de Saint-Ignace. Le lac Saint-Pierre commence à se fermer en cet endroit ; et le Saint-Laurent reprend ses proportions ordinaires, ne conservant qu’un quart de lieue ou environ de largeur, jusqu’au saut Saint-Louis ou jusqu’à la rivière des Prairies. Là il s’élargit de nouveau et ses eaux se forment comme un autre lac par la rencontre de trois fleuves qui, joignant leurs eaux tous ensemble font une autre petite mer parsemée d’îles… Le grand fleuve Saint-Laurent baigne la terre d’un de nos messieurs[2] du côté du sud ; traversant au nord, il fait deux îles, l’une qui a peut-être une lieue et demie de long, mais elle est fort étroite ; l’autre c’est la grande île, nommée de Mont-Réal. Cette île paraît coupée par le milieu d’une double montagne qui semble la traverser… J’apprends que les sauvages de l’Île (l’île des Allumettes, en haut de l’Ottawa) ont autrefois défriché et tenu une bourgade vers cette montagne, mais ils l’ont quittée, étant trop molestés de leurs ennemis[3]. Ils nomment encore ce lieu l’île où il y avait une bourgade. Au côté du nord de l’île de Mont-Réal passe la rivière des Prairies, qui

  1. Société historique de Montréal, 1868, pp. 243-6.
  2. La seigneurie de la Citière, concédée à François de Lauson.
  3. Faut-il croire que, après la dispersion de la tribu huronne-iroquoise visitée par Cartier, une branche de la race algonquine s’établit au même endroit et en fut chassée vers 1590 ? Lescarbot, déjà cité, confirme en partie cette opinion.