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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

à leur mort, laissaient des familles aux prises avec la pauvreté ; des seigneurs dont la vie entière était consacrée aux plus rudes travaux — et on a eu l’aplomb de les comparer aux courtisans de Versailles ! Nous voyons en eux, au contraire, des fondateurs, des travailleurs, des patriotes. Tout le dix-septième siècle est employé utilement par ces hommes dévoués ; ils éclaircirent la forêt, ils créent des établissements stables, ils exécutent, en un mot, ce que le roi ne veut pas faire, et ce que les compagnies privilégiées eussent dû accomplir, comme elles y étaient obligées par leurs chartes.

Des seigneurs, oui ! ils se comportèrent en seigneurs lorsque la politique française nous eut mis en guerre contre les Anglais ! À peine commencions-nous à respirer, après les durs labeurs des premiers défrichements, qu’il nous fallut prendre les armes. Les seigneurs et les habitants étaient alors sur le point de jouir de leurs travaux de colonisation ; fils ou petits-fils des pionniers du Canada, ils allaient, eux, la deuxième ou la troisième génération, ressentir un peu de bien-être — mais non ! l’heure de nouveaux sacrifices venait de sonner : on servit la cause du roi — et quand les luttes furent terminées, lorsque l’étendard fleurdelisé repassa la mer, le seigneur et l’habitant étaient ruinés, écrasés, abandonnés ! Voilà leur histoire à ces hommes de courage qui n’ont connu ni les splendeurs des palais, ni les enivrements du pouvoir, ni la richesse, ni les récompenses de leur dévouement.