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CHAPITRE VII

1626 — 1760


La tenure seigneuriale



D

ans cette étude, faite exclusivement pour décrire le type canadien-français, nous devons accorder une large place à l’examen de la « question seigneuriale. » Un préjugé, répandu partout, a été cause que l’on a confondu le mode de concession de nos terres avec le système féodal. Ce dernier mot ne répond pas plus à la chose dont nous allons entretenir le lecteur, que le terme Yankee ne donne l’idée d’un Anglais — et cependant les origines de ces deux peuples sont les mêmes. Le régime féodal, tel que pratiqué dans la Nouvelle-France, a beaucoup intrigué les historiens de langue anglaise. Toujours le mot féodalité les a renvoyés au moyen-âge, et ils s’y sont perdus. Il y a tant de commentaires à écrire sur un simple mot ! Seulement, il faudrait se demander si le mot est à sa place — mais c’est trop exiger de bien des gens. Parlons un instant de la tenure des terres dans la vieille France ; nous verrons ensuite sous quel régime mille fois plus doux les Canadiens ont vécu.

« Les Français qui achevèrent la conquête des Gaules n’étaient pas en assez grand nombre pour posséder toutes les terres : ils n’en prirent que le tiers, qui fut divisé en terres saliques, en bénéfices militaires et en domaines du roi. Les terres saliques étaient celles qui échurent en partage à chaque Français, et qui, par conséquent, étaient héréditaires. On donna le nom de « bénéfices militaires » à des terres que l’on ne partagea point, qui demeurèrent à l’État et que les rois devaient distribuer pour récompenses viagères à ceux qui en méritaient par leurs actions ou par l’ancienneté de leur service. On appela « domaines du roi » les parts considérables qu’eut le chef dans le partage général.

« De tous temps et en tous pays, les princes ont donné des terres en récompense des services qu’on avait rendus à l’État.

« On ne mit des impôts que sur les Gaulois. Les Français ne payaient que de leur personne ; le métier des armes était le seul qu’ils connussent.

« Les grands vassaux relevaient tous de la couronne, c’est-à-dire qu’ils lui devaient hommage, et les petits relevaient des grands. Celui qui recevait un bourg ou une ville faisait serment à celui qui s’était emparé de toute une province, de le reconnaître pour son seigneur