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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Courlai et seigneur de Glainai, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, décédé en 1625, et de Françoise Duplessis, sœur du cardinal de Richelieu. François de Wignerod, frère de Marie, devint général des galères de France et remporta une brillante victoire sur la flotte espagnole près de Gênes, le 1er septembre 1638. Trois frères de Marie prirent le nom de Richelieu, conformément aux exigeances du testament du cardinal. Marie signait ordinairement Du Pont, d’après le marquisat de son père.

La famille de Wignerod, originaire d’Angleterre, s’était établie en France sous le règne de Charles VII, et était parvenue aux plus éminentes dignités[1].

Très belle et douée de rares qualités d’esprit, la jeune fille pouvait compter que son oncle lui ferait un avenir. En 1620, lorsque Louis XIII et sa mère se réconcilièrent, on ne fut pas étonné d’apprendre que Richelieu, dont le prestige était déjà grand, avait fait placer l’article qui suit dans les conditions de la paix : « Mademoiselle de Vignerot, dotée par la reine mère de deux cent mille livres, épousera M. de Combalet. »

Antoine de Beauvoir du Roure de Combalet, neveu du connétable de Combalet, et, ce qui valait davantage, neveu du duc de Luynes alors premier ministre, était « fort laid, fort mal bâti, tout couperosé et pauvre, » dit un mémoire du temps ; mais brave et bon officier, il alla se faire tuer dans le Languedoc, sous les murs de Montpellier, à la guerre contre les huguenots (1622), quelques mois après le décès du duc de Luynes. Sa femme, qui, assure-t-on, l’avait pris en grippe, porta son deuil en couleurs, disant partout qu’elle ne se remarierait jamais — et elle tint parole. Richelieu étant devenu premier ministre (1629), le duc Philippe de Béthune, frère de Sully, demanda inutilement la jolie veuve en mariage ; puis vint le comte de Sault, qui prit ensuite le nom de Lesdiguières ; mais elle eut préféré Louis de Bourbon, comte de Soissons, le même qui se ligua contre Richelieu, passa aux Espagnols et fut tué d’un coup de pistolet (1642) à la fin d’une bataille qui tournait pour lui en victoire éclatante. Ce qui retint surtout ce grand seigneur fut, au dire des chroniques du temps, la petite condition de feu Combalet. Ambitieuse ou non, l’intéressante veuve avait des ennemis, notamment Urbain de Maillé, marquis de Brézé, dont la femme était sœur de Richelieu, et qui, avec une langue diabolique, a semé sur le compte de sa parente des anecdotes dont elle eut bien de la peine à effacer l’impression dans les cercles de Paris. Elle vivait à la cour. Un matin, on la trouva réfugiée chez les carmélites. Le cardinal ne voulut point lui permettre d’y demeurer ; mais, d’un autre côté, il l’encourageait dans les bonnes œuvres qu’elle soutenait de sa fortune et de son influence. L’un de ses conseillers ordinaires était saint Vincent de Paul, que l’on rencontre dans l’intimité des missionnaires et de la plupart des personnes qui s’occupaient alors du Canada. Nous devons à ce grand serviteur de Dieu un souvenir de reconnaissance tout canadien en retour des avis précieux dont il a fortifié les fondateurs de notre pays.

Lorsque la Relation du père Le Jeune (1635) lui tomba entre les mains, madame de Combalet eut comme une révélation. C’est au Canada, se dit-elle, c’est au Canada que

  1. M. l’abbé H.-R. Casgrain : Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, 1878, p. 32.