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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

croyant tenir une proie facile. L’embuscade avait été si bien préparée, que presque tous les coups eurent de l’effet. Une première et une seconde décharge de flèches abattit beaucoup de monde du côté des Iroquets, et, avant que ceux-ci eussent eu le loisir de se remettre de la surprise de cette attaque imprévue, leurs ennemis sortirent du bois, et la hache assomma ceux qui avaient échappé aux traits. Charlevoix dit qu’il n’en survécut pas un seul, parce que les Algonquins ne voulurent faire aucun prisonnier. Le grand nombre de cadavres qui restèrent dans le lit de la rivière et sur ses bords infesta l’eau à tel point, qu’elle en prit le nom de rivière Puante, qu’elle portait encore un siècle après. La tribu de l’Iroquet ne se releva jamais complètement de cet échec.

Les gens qui restaient de cette tribu furent adoptés par la nation algonquine, sans toutefois perdre leur principal chef duquel ils tenaient le nom de l’Iroquet.

Ce petit peuple offre ainsi doublement l’une des singularités que l’on observe chez les Sauvages du Canada : battu par les Iroquois, il devint iroquois, puis, battu par les Algonquins, il redevint algonquin. Ajoutons que les Hurons, avec lesquels il avait eu tant de rapports, se rapprochèrent des Algonquins vers la même époque que lui probablement, entre 1560 et 1580.

Après le massacre de la rivière Puante, les Algonquins remportèrent une série de victoires qui leur donna de l’assurance et une grande vanité. À la fin du XVIe siècle, les Iroquois étaient détruits, ou à peu près ; « il n’en paraissait presque plus sur la terre, » mais « ce peu qui en restait, comme un germe généreux, poussa tellement en peu d’années, qu’il réduisit réciproquement les Algonquins aux mêmes termes que lui. » Ce passage est tiré de la Relation de 1660. Lescarbot, qui écrivait en 1610, dit que peu d’années avant cette dernière date, les Iroquois, au nombre de huit mille, exterminèrent les Algonquins, gens de Québec, et les habitants d’Hochelaga et autres Sauvages des bords du Saint-Laurent. Quoi qu’il en soit, Champlain ne retrouva pas, en 1603, les tribus visitées par Cartier à Québec en 1535.

Isolés comme ils l’étaient par toute la largeur de l’Ontario, les Houendats étaient plus rapprochés des territoires des Algonquins que de ceux où vivait leur propre race. D’ailleurs, le seul fait de s’être autant éloignés dans cette direction montre une tendance à se séparer du corps de la nation, si, toutefois, ils n’avaient pas été chassés de Montréal par les Iroquois eux-mêmes, pour s’être montrés trop conciliants avec les Algonquins, ce qui n’est pas improbable.

On croit que les Houendats s’unirent de bonne heure aux Algonquins pour des fins de traite et de bon voisinage ; mais ils ne perdirent ni les mœurs domestiques ni la langue des Iroquois. L’alliance fut inaltérable, on le sait, malgré les malheurs qui fondirent à cause de cela sur les pauvres Houendats (Hurons) ; mais jusqu’à leur extermination, ceux-ci conservèrent les traits particuliers à leur origine.

En 1599, Pontgravé voulut établir un poste de traite aux Trois-Rivières, parce qu’il connaissait le lieu pour l’avoir déjà visité ; mais son associé, Chauvin, qui avait d’autres vues, se contenta de faire le trafic à Tadoussac. La guerre régnait toujours entre les Sauvages.