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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

« quelques particuliers de la ville de Rouen et de cette ville (Saint-Malo) ont obtenu lettres du roi portant interdiction à tous autres de ce royaume qu’à eux de trafiquer à Canada », le procureur-syndic de la communauté de Saint-Malo, Thomas Porée sieur des Chesnes, en ce moment à Rennes, auprès du parlement, est chargé d’écrire au doyen de la ville, « qui est à Paris député pour les affaires de cette communauté, » de supplier Sa Majesté « qu’il lui plaise révoquer lesdites lettres des particuliers et permettre le trafic libre de Canada à un chacun à l’avenir, comme il a été au passé. » Le sieur des Chesnes devait aussi s’adresser dans le même but à messeigneurs le maréchal de Brissac et duc de Montbason et au marquis de Couesquen, capitaine et gouverneur des ville et château de Saint-Malo, « qui est allé à la cour, » et « à autres seigneurs qu’on connaîtra avoir du pouvoir. » On devait aussi avertir Jean Boullain-Rivière, à Rennes, « afin qu’il se trouve prêt pour s’opposer à la vérification » que lesdits particuliers demanderaient au parlement de Bretagne.

Henri IV ne voulut pas laisser amasser l’orage : la Bretagne lui avait déjà coûté assez de peines et de soucis. Le 28 décembre, il écrivit aux bons bourgeois de Saint-Malo : « Ayant depuis peu été particulièrement informé… combien il est important pour le bien de notre service de faire promptement parachever et accomplir notre dessein de la découverture et habitation des terres et contrées de Canada, dont nous avons çi-devant donné et réitéré[1] notre pouvoir et commission au capitaine Chauvin… avons jugé et résolu expédient et nécessaire permettre aux habitants de notre ville de Rouen… d’entrer et se joindre en ce parti, comme aussi avons tenu, pour ne vous frustrer de la traite ordinaire que de longtemps vous avez vers les dits pays. » Suit l’invitation d’envoyer des délégués à Rouen, fin de janvier prochain. Puis il ajoute qu’il a ordonné aux « sieurs de la Court et de Chaste de terminer, avec toute la facilité et équité qui sera possible, les différends et demandes réciproques pour lesquels vous êtes en procès en notre conseil avec le capitaine Chauvin. »

Le 2 janvier 1603, le roi fait défense « à tous capitaines, maîtres, bourgeois, marchands, et avictuailleurs de navires, pilotes, mariniers et autres… habitant les ports maritimes et ports des provinces de Normandie, Bretagne, Picardie, Guyenne, Biscaye, pays Boulonnais, Calais et autres côtes de la mer océane, d’équiper, frêter et mettre sur aucuns vaisseaux ou barques, de quelque port ou grandeur qu’ils puissent être, pour voiturer, mener et conduire en la rivière et côtes de Canada, et faire aucun trafic et commerce, de quelque chose que ce soit, plus outre et plus haut en la dite rivière que l’endroit de Gaspé, soit d’un rivage ou d’autre, » et ce jusqu’à ce que Sa Majesté ait pris une résolution d’après ce qui sera décidé dans l’assemblée convoquée à Rouen pour la fin du mois. Le lendemain, 3 janvier, Charles de Montmorency, amiral de France, adresse à « messieurs les bourgeois, manants et habitants de Saint-Malo » une lettre dans laquelle il dit : « Le roi, désirant voir continuer et même renforcer les effets de la découverte et habitation de la province de Canada, dont il avait donné toute la commission et charge au sieur capitaine Chauvin, et sachant qu’il ne pourrait seul suffire à tel dessein, Sa Majesté a proposé d’y admettre et recevoir, pour plus

  1. Il y aurait donc eu deux commissions accordées à Chauvin ?