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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

tagne, sous le maréchal d’Aumont[1], lequel mourut au mois d’août 1595. Champlain continua d’occuper ce poste sous les maréchaux de Saint-Luc[2] et de Brissac[3] jusqu’au printemps de 1598, où la Bretagne fut pacifiée.

« Se voyant sans emploi, dit M. l’abbé Laverdière, et dans un désœuvrement qui n’allait guère à son âme active et aventurière, il forma le projet de se rendre en Espagne, dans l’espérance d’y trouver l’occasion de faire un voyage aux Indes occidentales. Un de ses oncles, le capitaine Provençal, tenu pour « un des bons mariniers de France, et qui, pour cette raison, avait été entretenu par le roi d’Espagne comme pilote général de ses armées de mer, » se trouvait alors à Blavet, et venait de recevoir du maréchal de Brissac l’ordre de conduire en Espagne les navires qui devaient repasser la garnison que les Espagnols avaient alors dans cette place. Il résolut de l’y accompagner. La flotte étant arrivée en Espagne, le Saint-Julien, reconnu comme fort navire et bon voilier, fut retenu au service du roi. Le capitaine Provençal en garda le commandement, et son neveu demeura avec lui. Les quelques mois que Champlain passa en Espagne ne furent point un temps perdu. Il avait déjà, dans le trajet, levé une carte soignée des lieux où la flotte avait fait escale, le cap Finisterre et le cap Saint-Vincent, avec les environs ; pendant son séjour à Cadix, il utilisa ses loisirs en traçant un plan exact de cette ville ; ce qu’il fit également pour San-Lucar-de-Barameda, où il demeura trois mois. Pendant cet intervalle, le roi d’Espagne, ayant reçu avis que Porto-Rico était menacé par une flotte anglaise, ordonna une expédition de vingt vaisseaux, du nombre desquels devait être le Saint-Julien. Champlain, accompagnant son oncle, se voyait ainsi sur le point de pouvoir réaliser son projet, lorsque, au moment où la flotte allait faire voile, on reçut la nouvelle que Porto-Rico était pris par les Anglais. Il fallut donc attendre une autre occasion pour faire le voyage des Indes. Dans le même temps, arriva à San-Lucar-de-Barameda le général dom Francisque Colombe, pour prendre le commandement des vaisseaux que le roi envoyait annuellement aux Indes. Voyant le Saint-Julien tout appareillé, et connaissant ses excellentes qualités, il résolut de le prendre au fret ordinaire. Le capitaine Provençal, dont on requérait les services ailleurs, commit, de l’agrément du général, la charge de son vaisseau à Champlain ; le général espagnol en parut fort aise ; il lui promit sa faveur, et n’y manqua pas dans les occasions. Enfin, au commencement de janvier 1599, Champlain partit pour l’Amérique espagnole. »

Ce voyage nous a valu un livre qui n’est pas le moins instructif de tous ceux écrits par cet habile observateur. Il l’a, de plus, orné d’une soixantaine de gravures. Des Antilles à Mexico, durant vingt-six mois, il vit tout ce qui était digne d’intérêt et en prit bonne note, car il avait « la louable ambition de la science. »

De retour en Espagne, vers le commencement de mars 1601, des retards l’empêchèrent de se rendre en France avant la fin de l’année, ou peut-être un peu plus tard.

  1. Jean d’Aumont.
  2. François d’Espinay de Saint-Luc, beau-frère du maréchal d’Aumont. Tué en 1597.
  3. Charles de Cossé-Brissac, duc en 1612.