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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS
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Chacun sait que les guerres de religion désolaient alors la France. Les conflits se répétaient sur mer à tous propos. Si une patache malouine rencontrait quelque part un flibot monté par des protestants français, on échangeait plus de coups que de compliments. La France, telle que nous la connaissons, n’existait pas encore. D’une province à l’autre on se faisait la guerre, autant par antipathies religieuses que par suite de froissements séculaires entre les races diverses de ce riche pays. Les bandes à main armée se partageaient le royaume ; le roi n’était roi que sur le territoire où il pouvait mettre le pied… et encore !

Des compagnies rivales ayant détruit plusieurs navires appartenant à la famille Cartier, dans les parages du Canada, nous voyons que, le 26 novembre 1587, Jacques Odieure, marchand, et le capitaine Jacques Noël, tous deux de Saint-Malo et se déclarant successeurs des droits du feu capitaine Jacques Cartier, déposent chez les notaires Étienne Gravé et Jules Lesieu, à Saint-Malo, le jugement du 21 juin 1544 qui accorde à Jacques Cartier remboursement de huit mille livres et quelques centaines de francs pour dépenses encourues à l’occasion de ses voyages au Canada de concert avec Roberval. En même temps qu’ils se pourvoyaient de la sorte, ils faisaient d’autres démarches auprès des autorités, puisque, le 14 janvier 1588, une patente royale accorda le monopole du trafic du Canada à noble homme Étienne Chaton, écuyer, sieur de la Jaunaye, capitaine de navires, et à Jacques Noël, aussi capitaine de navires et maître pilote de Saint-Malo, tous deux comme héritiers du capitaine Jacques Cartier, et le dernier à titre de neveu à la mode de Bretagne du même Jacques Cartier.

Alizon Des Granches, sœur de la femme de Jacques Cartier, avait épousé le capitaine Macé Jallobert, commandant de la Petite-Hermine. Leur fille Perrine se maria avec Michel Odieure, et le fils de ceux-ci, né le 27 avril 1547, reçut le nom de Jacques de son parrain, Jacques Cartier. Voilà comment il figure dans le passage ci-dessus au rang des « successeurs » du célèbre marin.

Pierre-Jacques Noël, auteur des deux lettres de l’année 1587, avait, outre ses deux fils, Michel et Jean, un autre garçon, Jacques, né à Saint-Malo, le 5 février 1550, et que Jacques Cartier avait tenu sur les fonds baptimaux ; la mère est appelée Robine Hervé. Ce Jacques Noël, âgé par conséquent de trente-huit ans en 1588, eut trois filles et pas de garçon ; la lignée de Jeanne, sœur aînée de Jacques Cartier qu’il représentait, s’éteignit bientôt.

Bertheline, sœur cadette de Jacques Cartier, née à Saint-Malo, le 13 octobre 1500, mariée à son cousin, … Cartier, eut un fils, Jean, et six filles, dont la dernière épousa Olivier Chaton. De ce mariage naquit Étienne Chaton de la Jaunaye qui vient d’être mentionné, lequel fit alliance avec Thomasse Maingard, famille déjà connue du lecteur. Depuis 1570, à peu près, Étienne Chaton servait sur mer. Il paraît avoir acquis de l’aisance. Au printemps de 1575, il avait armé, en compagnie de Bertrand Lefer et de Jean Le Breton, six vaisseaux et rendu de signalés services à la cause du roi dans la guerre contre la Rochelle. Henri III, par lettres-patentes du 29 août de la même année, l’avait gratifié du rang de capitaine de navires aux gages de six cents livres par an.