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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

l’appelle « noble homme Jacques Cartier. » L’expression « noble homme » ne prouve pourtant pas la noblesse. Sa présence est constatée la dernière fois au mois d’octobre 1552, et, selon les études qui ont été faites, on a adopté l’année 1555 comme étant celle de son décès. Les recherches n’ont pu faire connaître aucun de ses enfants, si toutefois il en a eu.

La lignée des deux sœurs de Jacques Cartier s’est éteinte, le 9 janvier 1665, dans la personne de Hervée Cartier, descendante de la plus jeune sœur, Bertheline, qui avait épousé son cousin Cartier. La postérité de Jean, Étienne, Pierre et Thomasse, oncles et tante du grand marin, existe encore dans le voisinage de Saint-Malo.

Nous allons poursuivre le récit des voyages faits au Canada après la mort de François Ier. Ce sera la continuation des courses des Malouins en vue de la traite, et nous verrons ensuite apparaître les Dieppois, ou l’élément normand, qui entra en concurrence ouverte avec les Bretons sur ce champ de commerce. Quant au pouvoir, il avait trop d’affaires embarrassantes sur les bras pour tourner son attention de ce côté.

« Cartier eut beau vanter le Canada, qu’il avait découvert, le peu qu’il en rapporta, dit Charlevoix, et le triste état où ses gens y avaient été réduits par le froid et par le scorbut, persuadèrent à la plupart qu’il ne serait jamais d’aucune utilité à la France. On insista principalement sur ce qu’il n’y avait vu aucune apparence de mines, et alors, plus encore qu’aujourd’hui (1720), une terre étrangère, qui ne produisait ni or ni argent, n’était comptée pour rien. Peut-être aussi Cartier décria-t-il sa relation par les contes dont il s’avisa de l’embellir ; mais le moyen de revenir d’un pays inconnu, et de n’en rien raconter d’extraordinaire ! Ce n’est pas, dit-on, la peine d’aller si loin, pour n’y voir que ce qu’on voit partout. »

Au dire des Sauvages, il y aurait eu, dans le fameux royaume du Saguenay et ailleurs, des êtres fabuleux ayant un corps humain et une tête d’animal ; ceux-là pourvus seulement d’une jambe, et bien d’autres curiosités que le brave capitaine a l’air de croire véritables. Son ami Thevet, grand savant, nous raconte à peu près la même chose des pays du sud et de l’Afrique. Rabelais place Hérodote, Pline, Jacques Cartier et quelques autres dans sa galerie des grands menteurs, lesquels écrivent, dit-il, sur de simples ouï-dires.

On a discuté pour savoir ce que devinrent les hommes laissés par Roberval à France-Roy en 1543. Il n’est point prouvé qu’ils aient été abandonnés, attendu que le quatrième voyage de Cartier (1543-44) fut entrepris uniquement pour repatrier la malheureuse colonie. Roberval avait promis d’être de retour du Saguenay[1] à France-Roy le 22 juillet (1543), et tout nous porte à croire qu’il ne trouva pas assez d’or ou d’argent pour s’attarder au loin lorsqu’il espérait voir arriver des secours de France. Au cas où quelques hommes seraient restés sur les bords du Saint-Laurent après le départ de Cartier pour la France (printemps de 1544), ce n’était qu’un petit nombre de maraudeurs dont le sort ne nous intéresse guère, car ils ne pouvaient rien fonder ; si les Sauvages ne les ont pas fait périr, ils ont dû bientôt se diriger vers le bas du fleuve, où ils avaient chance de rencontrer des compatriotes venant en traite ou à la pêche.

  1. Ceci veut dire Montréal ou l’entrée de la rivière Ottawa.