la Grande-Hermine, courant à la conquête de terres inconnues, nous le représente sous sa forme la plus acceptable ; aussi voit-on qu’il fut regardé par les siens comme la figure la plus saillante du groupe ; il fut le héros de ces courageux navigateurs qui se taillaient des domaines dans la carte du monde. Son énergie, sa rapidité d’exécution, le coup d’œil infaillible dont il était doué, complètent sa réputation, du reste bien méritée. Nous devons être aussi fiers que les Malouins d’avoir eu pour découvreur de notre patrie un capitaine aussi digne de paraître à la première page de nos annales. Ses fautes, si fautes il y a, sont imputables à l’esprit du temps, et peut-être que, laissé libre d’agir à son gré, il ne les eût pas commises.
Les principales étapes de la carrière de Jacques Cartier sont les suivantes : commençons par sa famille : Jean Cartier, né en 1428, épousa, le 2 novembre 1457, Guillemette Beaudoin et vécut à Saint-Malo. De leurs cinq ou six enfants, l’aîné, Jamet, James ou Jacques, suivant les épellations du temps, naquit le 4 décembre 1458, et épousa, vers 1485, Jeffeline Jansart, à Saint-Malo. De ce mariage provinrent trois enfants, deux filles et un garçon, lequel est le célèbre navigateur, né à Saint-Malo, le 31 décembre 1494. Il était maître-pilote lorsque, le 2 mai 1519, il contracta mariage avec Marie-Catherine Des Granches, fille du chevalier Jacques-Honoré Des Granches, connétable ou gouverneur de la ville et cité de Saint-Malo. Qu’il ait ou non visité les côtes de Terreneuve dans sa jeunesse, il est évident qu’il n’ignorait pas ce que ses concitoyens savaient de ces pays de pêche et de traite. Par l’intermédiaire de Philippe de Chabot, amiral de France, que son beau-père pouvait sans doute approcher, et le vice-amiral Charles de Mouy, sieur de la Meilleraye, Cartier se fit proposer au roi pour aller en découvertes sur la trace de Verazzani, perdu depuis 1525 dans les mers qui avoisinent ce que l’on appelait la Nouvelle-France. Nous avons raconté ce que fit Cartier, de 1534 à 1544. Après son quatrième voyage, il ne reprit plus la mer, dit-on. Il jouissait, cependant, du monopole de la traite du Canada, et, soit par lui-même ou ses parents, il dût l’exploiter. Comme il possédait une maison et un jardin situés près de l’hôpital Saint-Thomas, dans la ville de Saint-Malo, on peut croire qu’il y fit de temps à autre sa demeure ; mais la « maison du Cartier, » autrement appelée « Limoilou, » et qui était dans sa famille depuis au moins l’année 1500, l’attirait davantage. Le joli domaine de Limoilou, près Saint-Malo, se compose de plusieurs fermes bien souvent reconstruites depuis trois cents ans ; il reste, néanmoins, de l’habitation de Cartier un manoir entouré d’un mur élevé, placé sur un plateau agréable qui était la demeure particulière du grand marin. On y arrive par deux portes, de formes très anciennes. L’endroit est connu sous le nom de Portes-Cartier. Le mot « porte, » dans le vieux langage malouin, veut dire aussi « maison de campagne. » François Ier étant mort le 31 mars 1547, sans avoir, croyons-nous, honoré le découvreur du Canada de marques de distinction, son fils, Henri II, lui donna des lettres de noblesse avec le titre de seigneur de Limoilou ; du moins la chose est acceptée par les antiquaires. Ceci paraît avoir eu lieu en 1549, puisque, avant cette date, Cartier est constamment qualifié de « capitaine » dans les actes qui le mentionnent jusqu’au 20 décembre 1548, et que, le 29 septembre 1549, on s’exprime ainsi : « Jacques Cartier sieur de Limoilou, présent dans nos murs » (Saint-Malo). Un acte de naissance, du 15 février 1550,