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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

comptoirs de l’Asie. M. de Lesseps a attaqué, cette année, l’isthme de Panama. Le chemin de fer du Pacifique canadien est à moitié construit, et sera certainement terminé en 1892, au quatre centième anniversaire du débarquement de Christophe Colomb à San-Salvador.

Le pilote de Roberval est une des curieuses figures de cette époque. Jean Alphonse, « homme des plus entendus au fait de la navigation qui fût en France de son temps, » nous dit Champlain, était né vers 1483, au pays de Saintonge, près de la ville de Cognac. Thevet le qualifie de « capitaine et pilote du roi François I. » Il paraît avoir commencé à naviguer un peu avant l’année 1500 ; il visita toutes les parties du monde, et fut un des premiers qui explorèrent avec soin les côtes du Brésil et l’embouchure du fleuve des Amazones. On a des notes de lui publiées dès 1519. Il écrivit son principal ouvrage de 1544 à 1545. Le poète Melin de Saint-Gelais, qui était Angoumois, lui dédia une pièce de vers, imprimée en tête des Voyages avantureux du capitaine Jean Alphonse. Pour avoir fait la course aux Espagnols un an ou deux après, Jean Alphonse fut mis en prison à Poitiers, « par exprès commandement du roi. » On pense, dit M. Harisse, qu’il fut tué dans un combat naval, avant le 7 mars 1547.

Melin de Saint-Gelais, Lescarbot, Thevet, Rabelais, Cartier, Roberval, Jean Alphonse se connaissaient. Il est curieux de rétablir en quelque sorte, à travers les âges, les rapports que ces hommes distingués avaient entre eux. Jean de Marneuf, poète, qui paraît avoir bien connu Alphonse, a écrit des vers sur ce navigateur :


Neptune avait, sur ses ondes salées,
Son gouverneur, Alphonse aventureux,
Lequel domptait, avec ses nefs voilées,
Ceux qui étaient sur mer les plus heureux.

. . . . . . . . . .

Trembler de peur fait les princes et rois

Par ses boulets, ses volants messagers.
Le citoyen et craintif villageois
Sont assaillis par ses vaisseaux légers.

Étant ainsi garni de bons voiliers
En liberté par le congé du roi,
Et ne manquant d’armes, ni bons guerriers,
Ne craignait plus fortune et son arroy.


Jean Alphonse, pilote, découvreur, écrivain, homme de guerre, est un des types de son siècle, si riche en figures originales.

Cartier avait à se plaindre de Roberval. À peine rentré en France, il avait demandé et obtenu, le 3 avril 1543, que leur cause fût soumise au juge de l’amirauté, le litige portant sur la part afférente des frais des deux personnages dans l’armement des navires de l’expédition ; mais, comme Roberval ne revenait pas, le roi donna commission à Cartier d’aller le prendre avec sa colonie et de les ramener en France, Le découvreur partit donc, vers l’automne de