mencer un fort, et, du 27 août au 2 septembre, débarqua partie de son monde ainsi que les animaux domestiques, chèvres, porcs, etc., dont il s’était chargé, puis il écrivit au roi la situation des choses dans une lettre que Macé Jalobert, son beau-frère, et Étienne Noël, son neveu, apportèrent, le 2 septembre, en retournant à Saint-Malo avec deux navires.
Les travaux furent poussés vigoureusement. « Ce pays, écrit Cartier, est aussi propre au labourage et à la culture qu’on puisse trouver ou désirer. Nous semâmes ici (au Cap-Rouge) des graines de notre pays, tel que graines de choux, naveaux, laitues et autres, lesquelles fructifièrent et sortirent de terre en huit jours. »
Dès le 7 septembre, Cartier partait pour Montréal accompagné du capitaine Martin de Paimpont, avec deux barques fournies d’hommes et de vivres pour un assez long voyage. Le poste du Cap-Rouge, à trois lieues et demie au-dessus de Québec, baptisé du nom de Charlesbourg, resta sous les ordres du vicomte de Beaupré.
Dans l’espoir de remonter les sauts qui sont au-dessus de Montréal et d’atteindre le prétendu royaume de Saguenay, riche en mines d’or et d’argent, Cartier se fit expliquer par les Sauvages de Montréal la nature des pays situés au sud et à l’ouest de ce lieu. Il en conclut apparemment que les difficultés dépassaient les ressources mises à sa disposition ; car il se hâta de redescendre à Charlesbourg. On ignore ce qui se passa durant l’hiver 1541-42, sauf que les Français eurent à se défier des Sauvages, qui avaient plus d’un motif de redouter ces étrangers.
Ces Sauvages paraissent avoir été d’une autre nation que celle dont Champlain fit la connaissance, soixante et quelques années plus tard ; néanmoins rien n’est certain là-dessus.
Au temps de Cartier, il y avait bien peu de monde sur la côte du fleuve entre le Blanc-Sablon et la Pointe-des-Monts ; c’étaient des Esquimaux. Dans la région voisine, appelée pompeusement royaume de Saguenay, les Montagnais étaient nombreux ; c’est une branche de la famille algonquine. Ensuite venait le royaume de Canada, dont Stadaconé[1] était comme le chef-lieu, puisque le roi Donnacona y faisait sa résidence ; c’était aussi une tribu algonquine qui obéissait à ce prince sauvage. À Hochelaga, il y avait une forte bourgade habitée par des Iroquois ou des Hurons, qui sont de même race et de même langue. L’intervalle entre ces deux postes (Québec et Montréal) semble avoir été, alors, à peu près inoccupé ; c’était un territoire de chasse. Les Algonquins de Québec redoutaient les habitants de Montréal.
L’agouhanna ou seigneur Donnacona reçut assez bien Cartier l’automne de 1535, et, comme nous l’avons vu, ils conversèrent au moyen de Taiguragny et Domagaya, deux Sauvages de Gaspé qui avaient été amenés en France l’année précédente. Avant de quitter la rivière Saint-Charles, au printemps de 1536, Cartier ne se fit pas scrupule de s’emparer de Donnacona et de quelques-uns de ses compagnons et de les conduire en
- ↑ Selon M. l’abbé Ferland, ce village était situé dans l’espace compris entre la rue de la Fabrique et le côteau Sainte-Geneviève, près de la côte d’Abraham.