Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

royaume que de notre pays de Bretagne uni à icelui, par devers lesquels sont aucuns prisonniers, accusés ou prévenus d’aucuns crimes quels qu’ils soient, fors[1] de crimes de lèze-majesté divine et humaine envers nous et de faux monnoyeurs, qu’ils aient incontinent à délivrer, rendre et bailler ès mains du dit Cartier, ou ses commis et députés portant ces présentes ou le duplicata d’icelles pour notre service en la dite entreprise et expédition, ceux des dits prisonniers qu’il connoîtra être propres, suffisans et capables pour servir en icelle expédition[2], jusqu’au nombre de cinquante personnes et selon le choix que le dit Cartier en fera, iceux premièrement jugés et condamnés selon leurs démérites et la gravité de leurs méfaits, si jugés et condamnés ne sont, et satisfaction aussi préalablement ordonnée aux parties civiles et intéressées, si faite n’avoit été ; pour laquelle toutefois nous ne voulons la délivrance de leur personne ès dites mains du dit Cartier, s’il les trouve de service, être retardée ni retenue, mais se prendra la dite satisfaction sur leurs biens seulement.

« Et laquelle délivrance des dits prisonniers accusés ou prévenus, nous voulons être faite ès dites mains du dit Cartier pour l’effet dessus dit par nos dits justiciers et officiers respectivement, et par chacun d’eux en leur regard, pouvoir et jurisdiction, nonobstant oppositions ou appellations quelconques faites ou à faire, relevées ou à relever, et sans que, par le moyen d’icelles, icelle délivrance en la manière dessus dite soit aucunement différée ; et afin que le plus grand nombre n’en soit tiré, outre les dits cinquante[3], nous voulons que la délivrance que chacun de nos dits officiers en fera au dit Cartier soit écrite et certifiée en la marge de ces présentes, et que néanmoins registre en soit par eux fait et envoyé incontinent par-devers notre amé et féal chancelier, pour connoître le nombre et la qualité de ceux qui auront été baillés et délivrés ; car tel est notre plaisir. En témoin de ce, nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes.

« Donné à Saint-Pris[4], le dix-septième jour d’octobre, l’an de grâce mil cinq cent quarante, et de notre règne le vingt-sixième.

« Ainsi signé sur le repli, Par le roi, vous monseigneur le chancelier et autres présens.

« DE LA CHESNAYE.


« Et scellée sur le repli à simple queue de cire jaune. »


Les cinq navires placés sous le commandement de Cartier (la Grande-Hermine était du nombre) jaugeaient ensemble quatre cents tonneaux. Ils partirent le 23 mai 1541 de Saint-Malo, et, après une traversée fatiguante, arrivèrent à Québec le 23 août. Cartier s’attendait à y trouver le sieur de Roberval, qui avait dû, croyait-il, quitter Honfleur avec des colons (toujours des criminels), afin de se joindre aux Malouins dans les environs de Québec. Le temps pressait. Cartier remonta jusqu’à la rivière du Cap-Rouge, fit com-

  1. Excepté.
  2. Si François Ier ne ment pas lorsqu’il déclare qu’il cherche à convertir les Sauvages au christianisme, comment expliquer qu’il veuille les mettre en contact avec des repris de justice ?
  3. Pas de trace de prêtres dans toute cette expédition.
  4. Bourg de France (Saône-et-Loire).