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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Le sang indien s’embrase en sa poitrine ;
Ce bruit qui passe a fait vibrer son cœur ;
Perfide illusion ! au pied de la colline,
C’est l’acier du faucheur.

« Encor lui, toujours lui, serf au regard funeste,
Qui me poursuit en triomphant.
Il convoite déjà du chêne qui me reste
L’ombrage rafraîchissant.
Homme servile ! il rampe sur la terre ;
Sa lâche main, profanant des tombeaux,
Pour un salaire impur va troubler la poussière
Du sage et du héros.

« Il triomphe, et, semblable à son troupeau timide,
Il redoutait l’œil du Huron,
Et, lorsqu’il entendait le bruit d’un pas rapide
Descendant vers le vallon,
L’effroi soudain s’emparait de son âme ;
Il croyait voir la mort devant ses yeux.
Pourquoi dès leur enfance et le glaive et la flamme
N’ont-ils passé sur eux ? »

Ainsi Zodoïska, par des paroles vaines,
Exhalait un jour sa douleur.
Folle imprécation jetée au vent des plaines,
Sans épuiser son malheur.
Là, sur la terre, à bas gisent ses armes,
Charme rompu qu’aux pieds broya le Temps.
Lui-même a détourné ses yeux remplis de larmes
De ces fers impuissants.

Il cache dans ses mains sa tête qui s’incline,
Le cœur de tristesse oppressé.
Dernier souffle d’un peuple, orgueilleuse ruine
Sur l’abîme du passé.
Comme le chêne isolé dans la plaine,
D’une forêt noble et dernier débris,
Il ne reste que lui sur l’antique domaine
Par ses pères conquis.

Il est là, seul, debout au sommet des montagnes,
Loin des flots du Saint-Laurent ;
Son œil avide plonge au loin dans les campagnes
Où s’élève le toit blanc.
Plus de forêts, plus d’ombres solitaires ;
Le sol est nu, les airs sont sans oiseaux ;
Au lieu de fiers guerriers, des tribus mercenaires
Profanent ces coteaux.